Soul |
Pardonnez moi d’insister, mais la distinction entre soul et blues, c’est vraiment un truc d’Européens. Je veux dire, quiconque a déjà surpris John Primer reprenant Sly Stone en concert (ou Jimmy Burns en faisant autant avec Stealers Wheels) le sait : ce sont les groupes blancs de blues-rock qui jouent désormais Chuck Berry, tandis que les brothers à la coule balancent quant à eux un bon vieux R&B number. Alors, voir Robert Cray se fendre à présent d’un album complètement soul ne surprendra que les touristes. Comme en témoigne le récent (et superbe) Don Bryant, si le label Hi a sombré (et si son fondateur nous a quittés), son esprit perdure. Et pas que dans l’air du temps, puisque le fameux Royal Studio (où accouchèrent des pointures telles qu’Al Green, Syl Johnson, Ann Peebles et O.V. Wright) est toujours debout à Memphis. Avec, outre la fameuse console d’origine, quelques vétérans blanchis sous le harnais de cinq décennies de sessions locales. Ca fait des lustres que Steve Jordan (producteur émérite, et batteur de Keith Richards quand celui-ci trompe les Stones) bassinait Robert afin qu’il se rallie à ce projet. À ce stade, le principal guest, c’est donc le band, mais puisque Robert reprend ici deux de ses titres (et que le bougre crèche à deux pas), il invite aussi Tony Joe White à pousser de l’harmo et de la wah-wah dessus. Comme on s’y attend, les covers abondent (depuis l’antique “I’m With You” des Five Royales jusqu’à “The Same Love That Made Me Laugh” de Bill Withers, en passant par deux titres de Sir Mack Rice et “You Must Believe In Yourself” d’O.V. Wright, sublimé à la mode Staple Singers). C’est sur son propre “You Had My Heart” (avec sa touche “Who’s Been Talking”) que la guitare de Robert s’épanche le mieux, mais la part du lion revient ici aux claviers de Charles Hodges et Archie Turner, ainsi qu’à la basse lascive de Leroy Hodges et aux baguettes de Steve Jordan (rappelant à bon escient leur travail derrière les Blues Brothers). Il va sans dire que Robert chante la soul comme s’il n’avait jamais rien fait d’autre : get down, people !
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Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder
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