ROBERT COTTER – Missing You

WeWantSounds / Modulor
Funk
ROBERT COTTER - Missing You

Sacrés collectionneurs. Qu’il s’agisse de BD vintage, de philatélie ou de vinyles en édition limitée, leur obsession demeure identique: acquérir et posséder l’incunable. En la matière, c’est le plus souvent la rareté de l’objet qui en fixe la cote, plutôt que sa valeur artistique intrinsèque. Convenons en, c’est encore un peu le cas pour cet album “perdu” du chanteur Robert Cotter. Natif de Long Island, celui-ci tint brièvement le micro au sein de la formation new-yorkaise Big Apple Band, auprès de piétons appelés à devenir par la suite mondialement célèbres sous le nom de Chic. On distingue nettement la patte du guitariste Nile Rogers, du bassiste Bernard Edwards et du claviériste Robert Sabino (ainsi que la charley chuintante du master drummer Tony Thompson) sur les deux seules plages où ils officient ensemble ici: les irrésistibles “Love Rite” et “Saturday” (Chic concocta ensuite une autre version de ce second titre, dont sa chanteuse Norma Jean Wright fit un hit en 78). Les huit autres morceaux furent enregistrés avec des pointures locales telles que le guitariste Lee Grayson, le bassiste Robert Wells et le batteur Joey Saulter, et l’album se distingue avant tout par la diversité des styles abordés. Avec sa wah-wah caquetante, sa rythmique funk en diable, ses cuivres claironnants et ses vocals à la fois haletants et outrés, “Disco Blues” prend ainsi des accents hendrixiens, tandis que la plage titulaire (avec un solo de sax de Kenny Lehman, préfigurant Grover Washington Jr) n’aurait pas déparé le répertoire d’un Luther Vandross. Robert Cotter s’avérait en effet un chanteur soulful (parfois jusqu’à l’excès), notamment sur le subtilement swinguant “Three Wise Men” et les ondulants “God Bless The Surefire People”, avec leurs congas, flûtes, glockenspiels et breaks psychédéliques manifestement inspirés de ce que produisaient trois ans auparavant Marvin Gaye, Curtis Mayfield et Earth Wind & Fire. Les motifs obscurs de la raréfaction de cet artefact (initialement paru en 76 sur le label Tiger Lily, éphémère subdivision de Roulette Records) étant explicités sur le livret de cette réédition, gageons que la côte du vinyle d’origine ne s’en trouvera guère altérée pour autant. Tandis que ce qu’il advint ensuite de ses complices du Big Apple Band est de notoriété publique, Robert Cotter ne donna plus signe de vie artistique notable après cette time-capsule (si ce n’est son album de 1980, “Timeless”, également réédité en 2012, puis par le truchement de son rejeton Jared, qui lui emboîta le pas dans la carrière). Sic transit, comme disent les pirates dans Astérix…

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, February 25th 2021

::::::::::::::::::::

ROBERT COTTER – Missing You: un album à vous procurer sur le Bandcamp, ICI