RICK SHEA – Love & Desperation

Tres Pescadores Records
Americana
RICK SHEA - Love & Desperation

Si les trois-quarts des titres de ce douzième album du singer-songwriter (et guitariste émérite) Rick Shea présentent de l’accordéon, ne le fuyez pas pour autant. Il ne s’agit en rien d’un hommage à Aimable, André Verschuren ou Yvette Horner (ni même envers Giscard), mais l’expression sincère de l’ancrage de Rick Shea dans son biotope. La famille de ce natif du Maryland (en 1953) s’établit en effet à San Bernardino, Californie dès son onzième anniversaire, et sept ans plus tard, le jeune Ricky commençait déjà à se produire avec sa guitare dans les country bars et coffee-houses des environs. Sa fréquentation de la scène locale (imprégnée de country, de rock n’ roll et de folklore mexicano) l’amena à fraterniser avec d’autres mavericks tels que Dave Alvin (co-leader des Blasters, puis de ses propres Guilty Men), ou le regretté Chris Gaffney. Les polkas tex-mex “Juanita” (narrant les jeunes années de ses propres beaux-parents) et “Texas Lawyer” accusent ainsi une touche tex-mex assumée (la mandoline s’y mariant à l’accordéon sur un rythme enlevé), ainsi que quelques vers en espagnol. Introduit par une reprise du “Blues Stop Knockin’ At My Door” d’Al Ferrier (que Lazy Lester s’appropria également), dont la facture rockabilly n’aurait pas déparé le répertoire des Paladins (ni celui des frères Alvin), l’album se répartit ensuite entre honky-tonk country bon teint (“Blues At Midnight”, “She Sang Of The Earth”, “Big Rain Is Comin’ Mama”, ou le délicat “A Tenderhearted Love”) et folk-song narratif (la plage titulaire, “Nashville Blues” ou “The World’s Gone Crazy”). Guitariste, mandoliniste et steel-guitar player accompli, Rick Shea s’avère aussi un conteur à la verve consommée. Ainsi de la galerie de portraits qu’il dresse au fil du savoureux “(Down At The Bar At) Gypsy Sally”s” (où défilent Frankie Lee Sims, Little Walter et Howlin’ Wolf, tandis que Jeff Turmes – heureux époux de Janiva Magness – y tient la basse et fait beugler son sax). Les amateurs du versant country de J.J. Cale devraient trouver leur compte parmi les licks subtiles et jubilatoires que dispensent ici les instruments à cordes de Rick Shea (l’instrumental “Mystic Canyon”), de même que tous ceux qui goûtent les productions de Dave Gonzalez (notamment au sein des tragiquement éphémères Hacienda Brothers), ou encore de Billy Bacon & The Forbidden Pigs. Du bel ouvrage!

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, December 26th 2020