RICK FINES – Solar Power Too

Autoproduction
Americana
RICK FINES - Solar Power Too

Si vous désirez apprécier ce qui distingue Neil Young d’un authentique Américain des States (notion difficile à appréhender de ce côté-ci de l’Atlantique), prêtez donc l’oreille au chant de Rick Fines sur “Below The Surface” et “Fundamental Nature”. Bien que sans réelle tessiture commune, leurs chants respectifs se caractérisent en effet tous deux par ce drawl, cet accent traînant sans rapport avec celui du Texas (au hasard), et typique des Anglo-Canadiens. Rick Fines s’est d’abord fait connaître au sein de la formation Jackson Delta (où il officia quinze ans durant, enregistrant cinq LPs) puis en solo depuis une bonne vingtaine d’années. Pour son dixième album à son compte, ce singer-songwriter a mis à profit son temps confiné pour se recentrer sur ses fondamentaux. Enregistrée dans la modeste cabane-studio qu’il possède dans les Kawartha Highlands (dont l’électricité provient effectivement de batteries reliées à des panneaux solaires), une bonne moitié de ce disque propose un inventaire de ses vastes talents de guitariste, que ce soit en slide ou en picking. Mais loin de se limiter à un simple étalage de virtuosité, Rick y conjugue également son impressionnante versatilité de songwriter. La seule reprise sur cette douzaine de plages s’avère d’ailleurs une relecture originale du “That’s What Makes You Strong” du regretté Jesse Winchester, revisitée en langoureux mode Tex-Mex. Entre Americana intemporelle (“Below The Surface”, dans la veine du splendide “Chestnut Mare” de Roger McGuinn), et Delta-Blues grand teint (“Worry Be The Death Of Me”, avec l’harmonica goûteux de Roly Platt), les savoureux “You Only Want Me When You Need Me”, “Yellow Moon, Indigo Sky” et “Never Let Go” présentent le même chaloupé louisianais que “Cajun Moon” (ce blend de zydeco et de New-Orleans R&B, entre Dr. John et J.J. Cale), tandis que le picking virtuose de “Live Forever”, “Laundry On The Line” et “Scared To Dance” puise à la source de Mississippi John Hurt, Stefan Grossman et Dave Van Ronk. La country crépusculaire de “One Lone Loon” (avec pedal-steel de circonstance) et “Dark Days” renvoie pour sa part au Ry Cooder de “Paris-Texas”. Un disque à la verve aussi profonde que jubilatoire.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, October 15th 2020