RICK CUTLER – First Melancholy, Then The Night Stretch

New Divide records
Classique, Jazz
RICK CUTLER - First Melancholy, Then The Night Stretch

Comme le savent tous les mélomanes fureteurs, si l’on veut persister à développer sa culture musicale, il ne faut jamais renoncer à trois facteurs essentiels: la curiosité, le hasard et les analogies. En ce qui concerne cet album, (récemment acquis pour 10 centimes dans une boutique de seconde main), ce fut, davantage encore que sa pochette énigmatique (in glorious black & white), l’identité de son auteur qui m’interpella en premier. En effet, en parcourant des doigts et du regard le bac de singles et EPs où je m’étais égaré (je n’achète jamais de ces éphémères rogatons, le plus souvent redondants), l’accolade du prénom et du nom ne pouvaient que susciter dans mon esprit quelque association incongrue. Rick (comme Rick Buckler, batteur émérite de The Jam) et Cutler (comme Chris Cutler, batteur de Henry Cow)? Quand il s’avéra qu’il s’agissait en fait d’un pianiste solitaire entre deux âges dont j’ignorais tout, et dont la calvitie et les bésicles suggéraient une certaine gravité (relativisée toutefois par le simple t-shirt dont il s’affublait), j’imaginai un opus de jazz probablement banal. Pourtant, dès la plage d’ouverture, le fan de rock lambda y entend se réaliser l’un de ses fantasmes les plus inavoués: que l’introduction romantique du “Love Reign O’er Me” du “Quadrophenia” des Who (initialement interprétée par Townshend en personne, à moins qu’il ne se fût agi de Chris Stainton, crédité par ailleurs sur trois autres titres) puisse se prolonger jusqu’à constituer un récital en soi. Manifestement d’obédience jazz mais de formation classique, Rick Cutler donne ici libre cours à des digressions où l’improvisation ne cède en rien à une écriture d’évidence ciselée. Entre Érik Satie (“Alien Landscape 1, 2 & 3”, avec leur blizzard en fond sonore) et Debussy, et de Glenn Gould à Bill Evans (“Who Needs Words”), Keith Jarrett et McCoy Tyner, les 18 pièces de cette splendeur d’album dessinent des paysages et des climats tour à tour poignants et apaisants (tel le “Going Home” conclusif, dans une veine gospel). Une rapide recherche sur le web vous apprendra que ce Cutler-ci a également débuté en tant que batteur (dès l’âge de cinq ans et demi), avant d’opter pour le piano pour son dixième anniversaire. Ayant étudié de front auprès de la prestigieuse Julliard School et de Chick Corea, il accompagna en tournée Liza Minelli, ainsi que (sur scène comme en studio) un panel d’artistes s’étendant de Michael Franks à Herbie Hancock, en passant par Freddie Hubbard, Billy Eckstine, Gloria Gaynor, Donna Summer, Pete Seeger, Larry Coryell, Perry Farrell (de Jane’s Addiction), Richie Stotts (des Plasmatics), Charles Aznavour et le NY Philharmonic Brass Quintet. Ceci est son second album (paru en 2011), et il en a enregistré six autres depuis. Un disque de piano solo à l’écoute duquel on ne s’ennuie jamais, rien de si rare de nos jours… Si ce n’est que celui-ci conjugue à un tel point exigence, expressivité et remarquable captation, qu’il en revêt un caractère intemporel. Dix centimes pour près d’une heure d’éternité, amis fureteurs, je vous souhaite à tous le même bonheur!

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, August 10th 2021

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