RICHARD THOMPSON – Ship To Shore

New West Records
Rock
RICHARD THOMPSON - Ship To Shore

En Grande-Bretagne, Richard Thompson est considéré à juste titre comme un trésor national. Depuis ses débuts en tant que force motrice de l’un des fers de lance de la renaissance folk anglaise (Fairport Convention) jusqu’à son exil californien au mitan des années 80 (en passant par les six albums enregistrés avec sa première épouse, Linda), le bonhomme s’est employé à élargir sans cesse le panel de sa créativité, quitte à dérouter à l’occasion fans et critiques. Quel autre guitariste contemporain pourrait en effet se targuer de combiner la dextérité (et les subtilités harmoniques) d’un Bert Jansch et d’un Davey Graham au swing complexe d’un Barney Kessel et d’un Tal Farlow, tout en s’avérant capable d’investiguer à l’occasion les fulgurances rockab’ de Paul Burlison et James Burton? Et si cet aventurier des six cordes ne répugne pas non plus au funambulisme structuré du regretté Tom Verlaine (“Hard On Me” et “That’s All, Amen, Close The Door”, au hasard), il sait aussi s’affirmer en tant qu’observateur pertinent de son époque, comme en atteste son chef-d’œuvre de 1999, “Mock Tudor” (cf. “Sights & Sounds Of London Town”). Pour son 75ème anniversaire, ce faux placide livre avec ce vingtième album solo (le précédent date de 2018) une douzaine de nouvelles pépites, captées avec la même section rythmique (les remarquables Michael Jerome aux drum sticks et maillets, et Taras Prodaniuk à la basse), augmentée de Bobby Eighorn (guitares acoustiques et électriques) et David Mansfield au violon. Si le virevoltant “Freeze” introductif, “Singapore Sadie” et l’orientalisant “The Old Pack Mule” s’ancrent toujours dans son folky background (avec les chœurs de la nouvelle Madame Thompson, Zara Phillips), les affres du commentaire social pointent à nouveau dès le chaloupé “The Fear Never Leaves You”. Le diddley-beat de “Trust” met en valeur le son clair et tranchant de sa Stratocaster, dont le picking est cette fois encore magnifié par une reverb téléportée des fifties. Capable de renvoyer d’un simple revers de poignet tous les Mark Knopfler de la galaxie à leurs chères études, ce bon roi Richard n’en néglige pas moins de trousser quelques perles dignes d’un Pete Townshend à son climax romantique (l’hispanisant “The Day That I Give In”, “What’s Left To Lose” et le languide “Life’s A Bloody Show”). Sur un beat digne de Tom Petty, “Turnstile Casanova” postule (avec son riff entêtant) au titre de rocking FM standard de la série, tandis que “Lost In The Crowd” nous refait le coup de “La Foule” de la môme Piaf, et que le upbeat  “Maybe” renoue avec la pop acerbe (et déjà rétro) des early Pretenders et du Elvis Costello de “This Year’s Model” (solo tordu inclus). Comme il l’exprime tongue-in-cheek sur le “We Roll” final, Richard Thompson est donc toujours de ce monde, et sa routine apparente n’est sans doute que le reflet quelque peu angoissant de la nôtre.

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co

PARIS-MOVE, June 1st 2024

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