RICHARD BARATTA – Music in Film: The Sequel

Savant Records
Jazz
RICHARD BARATTA - Music In Film : The Sequel

Je ne vais pas rééditer le jeu de mots douteux dont je me repais depuis des lustres, en énonçant d’entrée de jeu que Richard Baratta est un cas. C’est pourtant tentant (tontaine), tant le personnage présente tout du transfuge. Songez-y: jeune batteur affamé de jazz (et d’autres moyens de subsistance) à l’orée des années 70, il se produisait dans les clubs et lofts les plus obscurs et insalubres de New-York, auprès de pionniers de l’avant-garde d’alors tels que Vernon Reid et John Stubblefield, quand, las des sempiternelles vaches maigres, il décida de se lancer dans le cinéma. Non pas en tant qu’acteur, scénariste ou décorateur, mais en tant qu’assistant de production. Et les 35 années suivantes le menèrent dès lors de succès publics en enviable confort financier. On trouve en effet sa signature aux génériques de blockbusters aussi mémorables que “Indiana Jones Et Le Royaume Du Crâne De Cristal”, “Le Loup De Wall Street”, “Coup De Foudre À Manhattan”, “Donnie Brasco” et divers “Spider-Man”. Désormais à l’abri du besoin et de la précarité, ce bon Richard n’en restait pas moins taraudé par le démon du jazz, et l’âge de la retraite venu (tel un James Williamson affranchi de sa charge d’executive chez Sony), il revint le cœur battant à ses premières amours. Un premier essai intitulé “Music In Film: The Reel Deal” (pun again) vit ainsi le jour en 2020, pour recueillir pas moins de trois millions de streams sur Spotify. Pour éculé qu’il put paraître sur papier, le concept n’en était pas moins novateur: il s’agissait ni plus, ni moins, de susciter la rencontre entre le traitement hard bop d’un sextette de killers, avec certains thèmes de musiques de films parmi les plus célèbres. Selon la formule en vigueur à Hollywood, un blockbuster appelant nécessairement une suite, ce bien intitulé “Music In Film: The Sequel” ne trompe pas le chaland. Depuis le fameux score signé Mancini de “La Panthère Rose” jusqu’à celui de “Star Wars” via John Williams, ou celui des “Temps Modernes” de Chaplin, en passant par le “Dernier Tango À Paris” revisité en bossa (ou “Out Of This World” traité en samba), les dix covers de cet album appliquent à la lettre l’esprit qui poussait jadis des Maîtres tels que Miles Davis, John Coltrane ou Bill Evans à adapter des scies telles que “Someday My Prince Will Come” en pistes de décollage pour leurs improvisations les plus débridées. Pas fou, Baratta assemble pour la seconde fois un aréopage de solistes aussi inspirés que le subtil pianiste Bill O’Connell, le saxophoniste tout terrain Vincent Herring et le guitariste multi-registre Paul Bollenback, auxquels il adjoint le volubile Michael Goetz à la contrebasse, ainsi que son propre cousin, Paul Rossman, aux percussions. Oscillant entre latin-jazz (les transpositions afro-cubaines du “Itsy Bitsy Spider” de “Heartburn”, ainsi que du “Soul Bossa Nova” de Quincy Jones figurant au générique de “Austin Powers”), le voodoo Ju-Ju (“Volley For Jabali”, seul original de cette livraison), le Louisiana funk (le “Man Of Constant Sorrow” de “O’ Brother, où la slide de Bollenback exsude le bayou) et le bop millésimé (“Pink Panther”, avec un étourdissant solo du patron). Derrière ses fûts et cymbales, le fils prodique ne démérite en effet pas, en dépit de son retour tardif, cumulant ici les fonctions de chef d’orchestre et de metteur en scène (mais ne s’agit il pas en définitive de la même chose?). Festif et jubilatoire!

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, December 13th 2022

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