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Il y a vingt ans, la Flandre belge comptait deux groupes majeurs, dominant de la tête et des épaules la scène blues européenne: les Electric Kings et El Fish. Et tous deux comptaient en leurs rangs des harmonicistes surdoués: "Big" Dave Reniers pour les premiers, et Steven de Bruyn pour les seconds. Quand El Fish perdit son guitariste, on les vit mêler leur swing blues organique à des samples et de l’électro, avant de s’adjoindre un autre excentrique flamand, l’historique Roland Van Campenhout (alors tout juste sorti de Charles et les Lulus, avec Arno). À ces éléments historiques s’ajoute le contexte: Heusten-Zolders, commune composite du Limbourg, et sa communauté de deux-mille immigrés amenés du monde entier par la défunte industrie minière (la dernière à s’éteindre dans tout le Bénélux). Minuscule entité dans le plus petit pays fédéral d’Europe, la Flandre n’en demeure pas moins l’un des plus fertiles creusets au croisement des cultures. C’est là que naquirent les Rhythm Junks voici plus de dix ans déjà: improbable trio sans guitare, mais avec harmonica, kalimba, basse, batterie, synthés et "kaosscillator" (késako ?). Avec pour résultat un tout aussi improbale melting pot de new-wave ethnico-musette, où les ombres de New Order, de Kusturica et de Toots Thielemans s’invitent dans des bistrothèques aussi vivaces que celles que dépeint l’épatant film "Belgica". Aussi déroutant que finalement irrésistible et entêtant: l’Europe culturelle telle qu’elle s’avère de nos jours, en somme.