REV. PEYTON’S BIG DAMN BAND

Dance Songs For Hard Times // Family Owned Records / Thirty Tigers
Blues
REV.PEYTON'S BIG DAMN BAND

Observés depuis les balcons de Versailles ou de Neuilly (ces berceaux dorés de la french touch), ces trois péquenots bas du front qui posent devant leur caravane pourraient n’évoquer qu’une sorte d’équivalents américains de nos propres gilets jaunes. Des pue-la-sueur, forcément suprémacistes et trumpo-mélenchono-lepénistes, bref des extrêmes se rejoignant inéluctablement, selon la doxa en vigueur parmi nos élites condescendantes. Avec leurs dégaines à relais-routiers du Montana, Josh Peyton et sa grognasse – destructrice patentée de washboards – semblent en effet débarquer tout droit d’où ils proviennent de fait: d’Eagletown, dans l’Indiana. Au cœur de cette rust-belt où l’on croit encore discerner, sous les traits bouffis et outrés d’un ex-candidat défait à sa propre réélection, le spectre de la grandeur perdue d’une Amérikkke fantasmée. Sauf que, bien que né en 1981 (l’année Culture Club), cet escogriffe aussi massif que tatoué et barbu s’avère non seulement l’un des fingerpickers-sliders les plus foudroyants depuis Johnny Winter et Bob Brozman, mais qu’il se double en outre d’un érudit, possédant sur le bout des ongles ses Charley Patton (auquel il consacra un CD complet), Blind Gary Davis et Elmore James. Et là où nombre de ses pairs se contentent d’épater la galerie en bidouilant un répertoire de reprises contrites, le Big Damn Band (soit Peyton, sa légitime et leur consanguin germain à la batterie) met un point d’honneur à n’interpréter que ses propres chansons. C’est précisément là que les choses se corsent, car le trio met un point d’honneur à insuffler son flux de kérosène à tout ce qu’il touche ! Dès le furibard “Ways And Means” d’ouverture, le grizzly qui exhibe crânement casquette prolo et biceps sur la jaquette convoque sur un beat effréné les spectres de Big Joe Williams et Fred McDowell, et cette fuite éperdue s’accélère encore avec le proto-rockab’ “Rattle Can”, que ne renieraient ni un autre révérend séculier (Horton Heat), ni les Stray Cats débridés de “Gonna Ball”. “I’ll Pick You Up'” rappelle un autre authentique héros de la classe ouvrière U.S., John Fogerty : beat et riffs aussi entêtés que ceux d'”Almost Saturday Night”, mais avec la slide d’Elmore James par dessus. Un hymne en puissance, avant que “Too Cool To Dance”  ne ravive la mémoire encore vivace des Blasters des frères Alvin (ainsi, par transitivité, que celle du Johnny Burnette Trio). Le bourru y démontre en 3’10 chrono tout ce que ses doigts peuvent accomplir en pareil registre sans même le secours d’un tube métallique à l’auriculaire, avant que “No Time When” ne convoque l’esprit du grand Tommy Johnson pour vous pétrifier l’échine (de même que “Come Down Angels” avec Bukka White et Blind Lemon Jefferson). Les shuffles “Sad Songs” et “Til We Die” en font autant avec ceux d’Elmore James et de Billy Gibbons, tout émoustillés de se rencontrer en pareille circonstance. Si j’étais Bernie Sanders, j’ouvrirais tous mes meetings par ce “Crime To Be Poor” (manifeste qu’aurait également pu adouber l’abbé Pierre): ce sont les voix récurrentes des damnés de la Terre, brandissant le poing à l’adresse des cyniques qui en perpétuent la relégation. Reliant en un même souffle irrépressible leurs terreaux Delta et rockabilly, ces trois ploucs revendiqués viennent rappeler à bon entendeur les fondements prolétariens des musiques du peuple. Inutile de préciser que ça secoue un peu, et qu’aucun synthétiseur n’est entré dans la fabrication de cette rondelle. Roboratif à souhait: en un mot, jubilatoire !

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, March 18th 2021

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Ways and Means Official Video – Rev. Peyton’s Big Damn Band:
https://www.youtube.com/watch?v=Tw1g_2NPjoI