RECKLESS KELLY – American Jackpot/ American Girls

No Big Deal / Thirty Tigers
Americana
RECKLESS KELLY - American Jackpot/ American Girls

Depuis les Flying Burrito Brothers et les New Riders Of The Purple Sage (sans parler de ces pourris-vendus d’Eagles), l’Amérikke n’en finit plus de dérouler un inextinguible écheveau de groupes mixant allègrement rock et country. Au point que l’on crut nécessaire d’inventer quelques nouveaux tiroirs et étiquettes pour tenter d’y mettre bon ordre. Que l’on remonte du Little Feat de “Willin'” et “Truck Stop Girl” jusqu’à Commander Cody ou Asleep At The Wheel, leur descendance défile en effet comme un jour sans fin: Long Ryders, Lone Justice, Gourds, Bottle Rockets, Drive-By-Truckers, Uncle Tupelo, Giant Sand, Wilco, Jayhawks, Green On Red… Le problème ne réside pas tant dans leur profusion qu’en l’invariable qualité que proposent ces bâtards: aussi doués sur le plan musical qu’ils s’avèrent le plus souvent handicapés sur celui du look, ces rejetons d’une Amérique campagnarde aussi blanche que plouc feraient presque passer parfois Lynyrd Skynyrd pour le comité de soutien à Bernie Sanders et Jesse Jackson… Fumer de la beuh et siffler du bourbon au goulot n’ont en effet jamais durablement préservé de voter Trump (ni de s’abstenir, ce qui en l’occurrence revient au même). Pour situer l’ampleur du malentendu, le nom du groupe, RECKLESS KELLY, provient d’une comédie australienne dérivée de la légende de Ned Kelly (dont Tony Richardson avait précédemment tiré le scénario d’un film éponyme, où Jagger tenait le rôle principal). Issus de deux générations de musiciens rednecks de l’Idaho, les frangins Willy et Cody Braun possèdent les arcanes du country-rock sur le bout de leurs onglets, comme en témoignent les irrésistibles “Lonesome On My Own” et “Anyplace That’s Wild”, avec leur tapis de steel-guitar lacrimale sur beat canasson. Aussi bas-du-front que les Ramones de “Beat On The Brat” et les Beach Boys de “California Girls”, les hymnesques “American Girls” et “Don’t Give Up On Love” n’en dépotent pas moins, par la grâce d’un imparable jingle-jangle et d’un Hammond B3 monté sur Leslie. Avec son accordéon zydeco, “All Over Again (Break Up Blues)” n’aurait pas déparé le “Blue Ridge Rangers” de Fogerty, et ce ne sont pas John Mellencamp ni Jason Isbell qui y chercheraient des noises, tandis que “Lost Inside The Groove” emprunte à son tour une voie tex-mex de bon aloi. “Miss Marissa” enfonce le clou: à moins de se renier, on ne peut qu’adhérer à pareil étalage des fondamentaux de l’U.S. americana… Je succombe donc comme Davy Crockett à Alamo: à quoi bon tenter d’intellectualiser un truc aussi tripal? Après un quart de siècle sous ce moniker collectif, les frères Braun abattent sans doute ici leur carte maîtresse: en vingt titres (soit l’équivalent d’un double-vinyle), ils viennent d’accoucher d’un nouveau classique de l’alternative country. Quoi que cela puisse signifier, je vous le concède volontiers.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, June 6th 2020

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