REAL ESTATE – Daniel

Domino
Indie Pop
REAL ESTATE - Daniel

De 1964 à 1966, les Remains furent l’un des fleurons de la scène garage de Boston. À tel point qu’outre leur intronisation posthume au Panthéon de la fameuse anthologie “Nuggets” mitonnée par Lenny Kaye, ils eurent le privilège ineffable d’effectuer plusieurs dates en première partie des Beatles, lors de l’ultime tournée américaine de ces derniers. Leur leader, chanteur et guitariste se nommait Barry Tashian, et relocalisé à Nashville dès la fin des sixties, il y poursuivit une prolifique carrière de session man (notamment au sein du Hot Band d’Emmylou Harris, puis du duo bluegrass qu’il forma avec son épouse Holly). Que vient faire Barry Tashian dans cette chronique? Pas grand chose, certes, si ce n’est que son fils a poursuivi la tradition familiale en formant à Nashville sa propre formation pop, The Silver Seas, et aussi qu’il y est devenu le producteur de ce nouvel album de Real Estate (leur sixième à ce jour), jusqu’à lui donner son prénom pour titre. Qu’un groupe dont le blase se traduit par Agence Immobilière s’emploie au bout de quinze ans d’existence à proposer de la wallpaper music ne présente en soi rien d’incohérent, mais que le “Somebody New” d’ouverture cite dès son intro celle du lénifiant “Turtle Vine” de Coldplay peut toutefois prêter à caution. Si ses fondateurs Martin Courtney (lead vocals, guitar) et Alex Bleeker (basse, chœurs) demeurent fidèles à leurs postes respectifs, leurs line-ups successifs dénombrent désormais presque autant de nouveaux venus que d’ex-membres, et on ne peut, à l’écoute de ce nouvel opus, que déplorer la standardisation manifeste de leur inspiration. Revendiquant à leurs débuts un panel de références entre Pixies, Pavement et Weezer, on n’y discerne désormais plus qu’une évolution similaire à celle qui mena Neil Finn de l’exubérance de Split Enz au conformisme de Crowded House. C’est particulièrement patent sur l’enchaînement soporifique des gentiment jangle “Haunted World”, “Water Underground”, “Flowers” et “Interior”, d’une tiédeur cosy digne d’un McCartney au minimum syndical: bienvenue la pedal-steel et les chœurs sucrés, adieu toute fulgurance. Et ce ne sont pas les break-beats feutrés du bien intitulé “Freeze Brain”, ni la sunshine pop édulcorée de “Say No More”, “Market Street” et “Airdrop” (avec son pont de synthé eighties) qui en relèveront la sauce (même si le languide “Victoria” rappelle furtivement l’époque où le papa du producteur s’escrimait à reprendre ou pasticher le Dylan de “Blonde On Blonde”). La crise de l’immobilier pourrait donc s’avérer plus sérieuse qu’on ne le dit: elle vient même de frapper Brooklyn, d’où nous provient ce disque tiède que pourrait aisément parrainer Lexomil.

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co

PARIS-MOVE, February 16th 2024

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