RB MORRIS – Going Back To The Sky

Singular Recordings
Americana
RB MORRIS - Going Back To The Sky

Avec sa bonne trogne désormais voisine de celle d’un Nick Nolte, RB Morris fut qualifié par la grande Lucinda Williams de “greatest unknown songwriter in the country”, tandis que Steve Earle affirme que “RB Morris fut le déclencheur de mon désir d’écrire de la poésie”. Signé sur son propre label par le regretté John Prine en personne pour son premier album (“…Take That Ride…” en 1997), il n’en a publié que cinq autres ensuite, sur des labels divers et variés. C’est que l’homme garde toujours plusieurs fers au feu : tour à tour dramaturge, écrivain et acteur, il a également rédigé plusieurs ouvrages de poésie. Célébrant l’errance comme le firent tant d’autres folk singers avant lui, il ne s’est sans doute jamais mieux décrit que sur le splendide “Walking Song” qui conclut cette nouvelle livraison : “parfois, je suis sur la photo, et parfois dans le panneau indicateur, et parfois aussi parmi les visages qui défilent furtivement à travers le cadre du pare-brise. Les plaques d’immatriculation ne signifient pas grand chose, et les frontières guère davantage… Parfois, je parle à des inconnus, parfois je parle tout seul, et parfois je parle à un vieil ami que j’avais d’abord pris pour quelqu’un d’autre”… Il s’est entouré pour la circonstance d’une dream team à même de rendre justice à ses onze nouvelles compositions, où se mêlent plus que jamais poésie céleste et Americana bon teint. Outre le guitariste Bo Ramsey (qui co-produit le tout avec RB), le bassiste Daniel Kimbro et le batteur Hunter Deacon y reçoivent le renfort de multi-instrumentistes aussi inspirés que l’harmoniciste Mickey Raphael, le mandoliniste et violoniste David Mansfield et le phénoménal Greg Horne (pedal steel, guitares, violon et chœurs). En surplus de l’accompagnement et des arrangements ad hoc, certains de ces lascars se fendent aussi de brefs mais bienvenus interludes instrumentaux. Le sarcastique “Me And My Wife Ruth” renvoie implicitement à la facture de “Highway 61 Revisited”, avec pour indice congruent : “I met her in Duluth” (bled natal de Dylan), et le chaloupé “Six Black Horses And A 72 Oz Steak” en fait autant pour Jimmy LaFave. Tandis que le road trip narratif de “Montana Moon” oscille entre le moaning de Tony Joe White et le swamp du non moins regretté J.J. Cale (ceux qui y détecteront la marque de Dire Straits n’auront pour excuse que de méconnaître l’influence déterminante qu’exerça celui-ci sur ces derniers), “Missouri River Hat Blowing Incident” renvoie à la poésie hantée de Townes Van Zandt, et dans leur geste country réminiscente de Johnny Cash, “That’s The Way I Do”, “Old Copper Penny” et le sirupeux “Once In A Blue Moon” n’auraient pas déparé “John Wesley Harding” ou “Nashville Skyline”. Si avec sa trompette mariachi et son chicano beat, le savoureux “Under The Cigar Tree” aurait pu en faire autant de la période tex-mex de “Desire” (de même que le languide “Red Sky” introductif), on aurait pourtant tort de ne présenter RB Morris que comme un succédané de Robert Zimmerman. Bien que leurs terreaux culturels respectifs proposent maints points de convergence, l’art de Morris s’ancre bien davantage dans la scrutation empathique de ses sujets que celui de Dylan, plus introspectif. Une sorte de William T. Vollmann mâtiné de Ramblin’ Jack Elliott, en somme…

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, August 4th 2021

::::::::::::::::::

Red Sky:

Going Back to the Sky: