RAOUL FICEL – SUR LA ROUTE

LA CHAÎNE DU BLUES / BLUESIAC
Blues
RAOUL FICEL

J’ai la chance inouïe d’être biberonné, abreuvé, nourri au blues de Philippe-Raoul Coudougnan, plus connu sous le sobriquet de Raoul Ficel, depuis belle lurette. En effet, depuis le premier album de Raoul “Goodtime Blues” de 1997 et la compilation “Hexagone Blues vol.1” (Dixiefrog/ Hexagone Blues), concoctée avec amour et passion par un certain Patrick Verbeke, avec outre Raoul Ficel, Doo the Doo, Magic Buck, Karim Albert Kook, Steve Verbeke, etc… les jeunes pousses du blues français de l’époque, qui depuis ont prouvé leur indéniable talent et que le blues hexagonal n’était ni une imposture, ni une plaisanterie, j’ai toujours suivi la carrière de ce bluesman atypique, avec un œil avisé, les neurones en ébullition, les oreilles grandes ouvertes tel un Braque de Weimar à l’affut d’un faisan en forêt solognote, les yeux de Chimène et le pharynx imbibé de whisky single malt. De surcroît, j’ai toujours chroniqué avec un plaisir non dissimulé, son œuvre discographique pour divers magazines spécialisés, comme aimaient à les qualifier ainsi, les indécrottables puristes et autres ayatollahs de la musique du Diable. Ça ne nous rajeunit pas ma pauvre dame! Personnellement, j’ai toujours considéré Raoul Ficel comme l’archétype d’un blues artisanal et rural, sans fioriture, un blues des marécages teinté de swamp, de boogie, de boogaloo et de rock’n’roll, poisseux et hypnotique, roots à perdre haleine et à se noyer le nez dans sa bière, sans les cuivres lustrés au Miror qui pètent, sans guitaristes bavards et égocentriques, sans les sunlights des tropiques, sans les tambours du Bronx, sans la java de Broadway, sans le Bagad de Lann-Bihoué, sans tambour ni trompette, sans les parapluies de Cherbourg, sans les gondoles à Venise, sans les chœurs de l’armée rouge, sans stroboscope de la fièvre du samedi soir, sans strass ni paillettes du french cancan du Moulin Rouge ou des Folies, sans les trompettes de Jéricho, sans le tonnerre de Zeus, sans les canons de Navarone, mais un blues d’une incroyable pureté cristalline, minimaliste à souhait mais ultra percutant et tellement efficace… Pour faire un parallèle pédagogique (pour d’éventuels néophytes) je citerais Dr Feelgood dans le pub-rock (période Lee Brilleaux et Wilko Johnson), ou notre Benoît Blue Boy national, légende du blues français chanté en français. Aujourd’hui encore, Raoul Ficel n’échappe pas aux évidences énumérées, voire imagées, ci-dessus, à ranger dans la rubrique “éloges”, et nous présente son nouvel opus intitulé sobrement “Sur La Route”. Quel titre éloquent pour un bluesman! Outre Raoul Ficel (paroles, musique, guitare, harmonica, chant), le quartet se compose de sa fille Zoé Coudougnan, la fille de son papa (guitare acoustique, chant), génétiquement et hautement compatible au blues et qui prouve que les chiens ne font pas des chats, de Lonj à la basse et de Bastien Cabezon à la batterie. Un line-up de rêve, qui joue vraiment dans la tradition du blues lown down irrésistible, rustique et bucolique, avec en ligne de mire Lightnin’ Hopkins, Jimmy Reed, John Lee Hooker, ou encore Slim Harpo… Quant aux textes de Raoul Ficel, comme à l’accoutumée, ils transpirent la tendresse et la poésie sous-jacente et racontent, à l’instar de ceux de Benoît Blue Boy, des petits scénarios de la vie au quotidien et des ses sarcasmes, dans lesquels chacun d’entre-nous peut aisément se reconnaitre. Des sujets qui collent littéralement au blues, mais toujours traités avec émotion, sincérité, humour et optimisme. Des musiciens comme Raoul Ficel, Lenny Lafargue, Benoît Blue Boy prouvent que le blues peut être chanté dans la langue de Molière et savent faire swinguer les mots, avec humilité, simplicité, intensité et efficacité. Incontestablement, “Sur La Route” est un album d’une réussite totale, qui fera date au sein de la discographie de Raoul, avec toujours son style si particulier, si terrien, si humain, si champêtre, qui fait une nouvelle fois des merveilles. On peut citer quelques titres qui se détachent comme “Danser le Rock & Roll” qui ouvre l’album et qui est en quelque sorte, l’ADN et la profession de foi de l’artiste, “Ma Chérie, Ma Belle”, “J’sais Plus”, ou encore “Me La Couler Douce” ou “Sur La Route”, deux titres formidables, qui à leur écoute et avec un minimum d’imagination, pourraient presque faire apparaitre Raoul Ficel en train de taquiner le goujon, le sandre et le brochet, sur les bords de la Garonne ou l’estuaire de la Gironde, avec Barbecue Bob, Mississippi Fred McDowell, Johnny Shines ou Robert Johnson, sous un soleil printanier, ou ce même Raoul, seul sur la route, guitare en bandoulière, tel le lonesome bluesman stéréotypé. Bordeaux a toujours été un vivier d’excellents et d’authentiques musiciens de blues comme Lenny Lafargue, Cadijo, Flyin’ Saucers Gumbo Special, Raoul Ficel, et bien d’autres… Pourquoi? Est-ce parce que Bordeaux ressemble à la Louisiane et à ses bayous? Est-ce à cause du mythique et regretté Cricketers, véritable juke joint à la française? Quoi qu’il en soit, sweet home Bordeaux! Qu’il se produise en one man band (homme- orchestre) dans la lignée d’un Doctor Ross ou Joe Hill Louis, en duo avec sa fille Zoé (The Coudougnans), ou en quartet, Raoul Ficel, musicien à géométrie variable, démontre depuis des décennies, avec authenticité et passion, toute l’étendue de ses multiples talents et de ses multiples facettes. Je le clame haut et fort, à m’en faire péter les cordes vocales, à l’instar de Benoît Blue Boy, le nouvel album de Raoul Ficel est une pépite de blues, qui en cette période chaotique et anxiogène, réchauffe le cœur et l’âme. Il y a quelques années, j’avais écrit dans une biographie, que Raoul Ficel respectait une certaine orthodoxie du blues, phrase qui avait interloqué un journaliste de sud-ouest. Et bien aujourd’hui, je réitère, confirme mes propos et je signe des deux mains. Bien entendu, vous ne le verrez pas en promo au JT de Delahousse, ni chez Anne-Elisabeth Lemoine, interprétant en live “Danser le Rock & Roll”, devant un Pierre Lescure et un Patrick Cohen en extase subliminale, ni poser son postérieur sur le sofa rouge de Drucker. Dommage car “Sur La Route” mériterait amplement que les grands médias s’y intéressent un tant soit peu. Ce n’est pas grave, une fois de plus, le blues français se passera de ces béotiens! Qui a tué Robert Johnson? Bien des années après, cette question existentielle et légitime posée par Raoul Ficel reste toujours et restera longtemps sans réponse. Que la légende du blues perdure… Un CD chaudement recommandé, plein soleil et cinq étoiles…

Serge SCIBOZ
Paris-Move

PARIS-MOVE, October 25th 2020

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RAOUL FICEL – Sur La Route

Bluesiac
Blues
RAOUL FICEL

Sixième album en près d’un quart de siècle pour le Gascon Philippe Coudougnan (alias Raoul Ficel), par ailleurs membre actuel des Vieux Briscards du Blues, auprès de ses comparses Cadijo et Hot Pepino. On le trouve ici entouré d’un trio qui comprend sa propre fille Zoé (à la guitare acoustique et aux chœurs), ainsi qu’une impeccable section rythmique locale. Contrairement à ce que son titre indique, “Danser Le Rock & Roll” ne se limite pas au territoire de nos Dick, Eddie et Johnny nationaux, pour arpenter plutôt allègrement les sentiers zydeco. “Pas Tout Juste” et “Me La Couler Douce” lorgnent tellement vers Lazy Lester et Jimmy Reed que l’on croirait presque que Raoul Ficel se propose de reprendre la licence déposée jadis en la matière par le grand Benoît Blue Boy, tandis que “Ma Chérie, Ma Belle” emprunte ensuite le sillage de Bo Diddley. “J’sais Plus” en fait magistralement autant avec John Lee Hooker et Muddy Waters, et “Stompin’ At Greg’s” s’avère un jump instrumental offrant à ce bon Raoul l’occasion d’exprimer ce qu’il doit à Earl Hooker, T-Bone Walker et autres Jimmy Dawkins, tandis que “Regarde Mieux” s’inscrit dans la ligne des trépidants J.B. Hutto et Hound Dog Taylor. Summum de coolitude, la plage titulaire conclut en délicatesse cet album lumineux (le temps de se souvenir que Raoul Ficel n’est pas qu’un guitariste émérite, mais aussi un harmoniciste accompli). Comme chez ses aînés Patrick Verbeke et Benoît Billot, il ne nous a jamais traversé l’esprit à son écoute d’aborder la question du blues en français. Normal: avec Raoul, elle ne se pose même pas.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, April 17th 2020