Chanson rock

En près d’un demi-siècle de bons et loyaux sévices, Ramon PIPIN en a surmonté, des complexes. Le moindre n’étant pas d’avoir osé jouer du rock au pays du camembert… Lourds du handicap que constituait l’héritage foireux des yé-yés, les Au Bonheur Des Dames débarquèrent sous l’angle de la parodie, dès leur premier 30 cm crânement bâptisé “Twist” (en 73). Portés par une adaptation réussie de Hank Ballard & The Midnighters (via les Pingouins), ces derniers déclinèrent ensuite, en dépit de deux autres albums dans la même veine potache. Mais mauvais esprit ne sachant mentir, ce sinistre équipage devait récidiver au tournant des eighties, sous l’appellation non usurpée d’Odeurs. Ce qui n’empêcha nullement Alain Ranval (pseudonyme sous lequel l’état civil méconnaît Ramon) de persister dans la production discographique et les bandes originales, commettant au passage quatre albums sous son propre blase. D’aucuns voudraient prendre au premier degré la pochette de ce cinquième effort. Ce qui revient à surévaluer l’adage selon lequel le pitre serait toujours triste devant son miroir. Le spleen diffus qui suinte des 13 plages de ce LP n’en est sûrement que l’enrobage conceptuel, comme ceux des “De l’Amour” et “Toujours Plus Haut” d’il y a trente ans et quelque: tout au plus le reflet doux-amer de son époque. Si “Anecdote” dresse une fois encore le constat désabusé de la condition du rocker hexagonal (et de l’état du rock en soi, comme le fit “Rock Autopsie” de Thiéfaire voici quatre décennies déjà), l’esprit décapant d’Odeurs traverse “Les Mots de Passe”, “Polpote Park”, “Pyongyang”, “Viandox” (avec ses chœurs citant “Drive My Car”) et “Stairway To Eleven”. Passé le tube potentiel (“L’Homme Du Picardie”), on citera les deux vignettes les plus brêves: “Ma Maison” (rappelant les broderies picking de Claude Engel, Ilous & Decuyper et Darras & Désumeur), et “La Fête Aux Émirats” (pour l’inénarrable calembour “il était à bout d’habits”). Dans le genre, on n’a pas fait mieux depuis Dutronc et Lanzmann.

Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder

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