RACHEL BAIMAN – Cycles

Signature Sounds Recordings
Folk, Pop
RACHEL BAIMAN - Cycles

Voici un demi-siècle, les choses paraissaient simples. Inspirées par le folk-boom de la décennie précédente, les female singer-songwriters se répartissaient plus ou moins selon deux catégories: les égéries (Joni Mitchell, Judy Collins, Buffy Sainte-Marie…) et les populaires (Melanie, Carole King…). Et sans ostracisme outrancier, ces damoiselles faisaient pratiquement jeu égal avec les James Taylor, Gene Clark, Neil Young et Cat Stevens d’alors: c’était la musique que reprenaient les buskers des trottoirs et couloirs de métro de par le vaste monde. Cinq décennies plus tard, on ne sait plus où donner de l’oreille, tant les femmes, sans avoir toutefois conquis la parité à laquelle elles aspirent en légitimité, pullulent dans le registre du folk et de l’americana actuels, au point que l’auditeur moyen peine désormais à y discerner le bon grain de l’ivraie. Autant dire que les nouvelles venues dans ce registre ont plus que jamais intérêt à se distinguer, tant en termes de personnalité et de pertinence que de savoir-faire. Après avoir grandi à Chicago, Rachel Baiman a longtemps vécu à Nashville, où elle a d’abord officié en tant que multi-instrumentiste de sessions (au banjo, à la guitare ou au violon) et productrice, avant d’enregistrer en 2017 (et en Caroline du Nord) son premier album personnel, “Shame”. Pour son ci-devant successeur, elle s’est envolée pour Melbourne, afin de s’y placer sous les auspices d’Olivia Hally, elle aussi productrice et multi-instrumentiste. Mais il faut concéder que ses premières plages ne lui rendent guère justice: co-signées par Hally, elles versent en effet davantage vers la folk pop d’une Julia Stone que vers la grande Gillian Welch, à laquelle certains chroniqueurs enthousiastes l’ont un peu trop vite comparée à ses débuts. La cover du “Rust Belt Fields” de Slaid Cleaves et Rod Picott corrige à point nommé ce malentendu, mais il n’empêche que ce sont surtout ses propres “Hope It Hurts” et “Young Love”, ainsi que les poignants “Shifts In The Night” et “No Good Time For Dying”, qui emportent ici l’adhésion. Rachel Baiman se situe donc à la croisée des chemins: pourvu qu’elle persiste à cultiver et valoriser l’authentique singularité que révèlent son songwriting et son ancrage radical, elle se détachera du peloton où pourraient sinon la confiner des mièvreries de l’ordre de ces “Wyoming Wildflowers”.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, May 16th 2021