Race Records 1942-1955 – Frémeaux & Associés

Frémeaux & Associés
Rock

“Si je pouvais trouver un Blanc qui sache chanter comme un Noir, je me ferais un million de dollars” – Sam Phillips, 1953. Si l’on peut discuter du sens des affaires du lascar (qui revendit finalement Elvis à RCA pour “seulement” 35.000 euros), on ne peut cependant lui dénier une certaine oreille. Car, en effet, quand les Blancs n’avaient d’équivalents pour se trémousser que Glenn Miller, Merle Travis, Bob Wills et Hank Williams, les frangins Noirs alignaient, eux, des divisions entières, se déclinant selon les blazes suivants: Wynonie Harris (dont Presley “emprunta” le jeu de scène suggestif), Roy Brown, Amos Milburn, Jimmy McCracklin, Hal Singer, Tiny Bradshaw, Fats Domino, les Treniers, Smiley Lewis, Ruth Brown, Ray Charles, ou encore Little Richard… Si d’aucuns osent encore prétendre qu’Elvis inventa le rock n’ roll en adaptant à sa sauce le “That’s Alright Mama” d’Arthur “Big Boy” Crudup, il n’est que d’écouter la version originale de son propre “My Baby Left Me” par ce dernier pour comprendre où se trouvait la poule, et lequel des deux fit l’oeuf. Idem pour la version originale du “Train Kept A Rollin'” de Tiny Bradshaw, dont Johnny Burnette, puis les Yardbirds (et Aerosmith) firent leurs choux gras. La prédiction de Sam Phillips résonne dès lors comme une malédiction: ce sont bel et bien les Noirs qui ont inventé le rock. Cantonnés aux radios ethniques (et à des charts séparés), les artistes afro-américains avaient d’évidence mitonné le stew de longue date, quand le marketing s’employa à répandre la bonne (fausse) nouvelle d’une génération spontanée. Ce n’est pas le moindre mérite de cette remarquable anthologie en trois CD (et 77 titres) que de rétablir en rythme cette réalité historique. Copieusement documenté et commenté par Bruno Blum, un livret de 36 pages complète le tout: Noël en octobre…!

Patrick Dallongeville
Paris-Move / Blues Magazine / Illico / BluesBoarder
Race Records