Princes Chameaux – Magic Cirkus

(Further Music / Harmonia Mundi – FUR002)
Rock
Et voilà un opus qui va vous faire regretter d’avoir quitté Paris pour vous trouver un appart en banlieue bourge et de ne pas avoir choisi de crécher du côté de Ménilmontant ou de Belleville, car c’est là que vous auriez entendu les Princes Chameaux, un trio qui hante troquets et rades pour y chanter avec hargne et douceur leur amour du Paris-caniveaux, Paris-bistrots. Des chansons qui rappellent le Renaud rebelle, avec des paroles à la Dutronc et au Gainsbarre, des chansons incisives qui dessinent l’univers parigot où les potes sont tous des gavroches, où les filles sont écervelées ou innocentes, mais toutes très désirables, où les fins d’mois difficiles vous sont avouées sans détour car finalement, dans la vraie vie, rien n’est charmant. V’là pourquoi ces Princes qu’auraient pu être Charmants se sont montrés Chameaux. Histoire d’mieux coller encore à la réalité.
 
Les Princes, ils sont trois, tout comme les Chameaux de la caravane de mon pote l’homme bleu, le Touareg qui zone dans Belleville. Au départ y’avait Benoï Dantec, qui commença par chanter seul, avec sa gratte, dans les bars d’une banlieue trop calme, pour un verre de bière, un sandwich ou un couscous, pour des piliers de bistrots ou des mateurs en manque de Renaud – pas la bagnole, non, pas la caisse au lozange mais l’ex-titi qui crachait sur Thatcher et qui savait aussi dire je t’aime à coup de mistral gagnant.
Entre deux bières, Benoï partage son sandwich avec un autre allumé, Clément Carle, qui se débrouille comme un as avec son piano à bretelles et tout ce qui peut se faire comme percussions, de la boîte en fer blanc à la batterie. Les deux loustics forment les Princes Chameaux et hantent tous les endroits possibles où leur musique peut foutre le max de bazar.
 
Seb Collinet, le troisième chameau qui rejoindra ensuite la caravane est quand à lui bassiste reggae, guitariste, arrangeur hip-hop, mais est aussi à l’aise derrière des claviers qu’au banjo ou à l’accordéon ou à la flûte. Tout ce qu’il fallait au duo pour faire des Princes Chameaux un trio à l’énergie communicative et explosive.
 
Les chansons vont d’un rock parigot, comme ‘Le jour se lève’, avec gratte électrifiée, basse et batterie, à des chansons d’arrière-salle de rades crasseux dans lesquels vous attire l’accordéon, le banjo, une six corde acoustique, des percus et même une flûte chinoise. Vous prenez un verre, un communard, et vous chantonnez sur ‘Ma vraie guitare’ ou sur ‘L’épicière’ (deux chansons superbes dont je vous recommande vivement de lire attentivement les paroles). Dans la première, un salopard a piqué la gratte du chanteur, qui se retrouve seul, largué, paumé sans sa fiancée, sa promise à six cordes, tandis que dans la seconde faut c’qu’il faut quand en fin d’mois y’a plus d’sous et que l’épicière veut plus faire crédit car l’ardoise sent le moisi. Y’en a bien qui donnent leur corps à la science, alors…
 
Un p’tit r’gret, malgré tout, j’ dois l’avouer: que le livret, superbe par ailleurs, ne propose les paroles que de six chansons sur douze. J’aurai tant aimé pouvoir lire et relire les paroles de ‘Belleville’ ou du ‘Philosophe’, mais bon, c’est sans nul doute voulu. Hé oui, sont vraiment Chameaux ces Princes là!
 
Un album absolument nécessaire à tous, et surtout, surtout aux bobos qui se sont achetés leur quat’ pièces cuisine-salle de bains- cravate-attaché case, histoire de les replonger dans la vraie vie, sinon le parigot que je suis va vous la mettre en tête de veau votre tronche qui s’est pris la baffe du siècle avec la chute de la bourse. Z’aviez qu’à pas les ignorer, les Princes Chameaux, et là, nom de non, ils vous le rendent bien.
 
Frankie Bluesy Pfeiffer
 

PS: Et comme ces Chameaux sont charmants, tout en restant totalement chameaux, ils vous offrent en morceau caché (mais punaise, faut laisser tourner la galette pas mal de temps…) une sorte de délire hendrixien totalement habité. Eux disent ‘message codé’. Mais impossible à décod’hé. Pour ça, faut aller les écouter et les voir, où qu’ils passent. Allez, cherchez, vous allez trouver, car tout est sur MySpace: www.myspace.com/princeschameaux

Princes Chameaux