Post-Punk

2019. Comme dans une uchronie de Philip K. Dick, les États Unis d’Amérikkke sont dirigés par un consortium financier s’appuyant sur une lecture aussi binaire que crypto-fascisante du monde et de la société. Le monde libre tout entier s’apprête-t-il donc à abdiquer ses utopies sur l’autel de la libre entreprise et de la peur de l’étranger? Tandis que les gays, nègres, latinos et autres musulmans font l’objet d’un harcèlement récurrent, un quarteron post-punk de Washington DC brandit un poing ganté, et dresse un majeur pointé à la face du porc permanenté et bouffi qui incarne l’idéologie dominante sur la scène médiatico-politique. Détournant à son profit l’esthétique segmentée de quatre décennies déviantes (de Gang Of Four sur “Good Time Charlie” jusqu’aux premiers Talking Heads, et de Wire sur “Not Percieved” aux ritournelles glacées de Blondie sur “I’m Clean”, “68 Screen”, “Carol” et la plage titulaire), PRIESTS adosse ainsi un discours de la méthode des plus corrosifs à un support musical d’une modernité aussi radicale qu’assumée. Depuis “Texas Instruments” (évoquant les débuts de Cure) jusqu’aux dissonants et entêtants “Jesus’ Son”, “Control Freak” et “Youtube Sartre”, les guitares nimbées d’écho delay de G.L. Jaguar et le drumming robotique de Daniele Daniele témoignent de ce que la révolution post-punk préserve de pertinente urgence en nos temps troublés. Comme en attestent les lyrics de la vocaliste Katie Alice Greer (opportunément retranscrits sur le livret), on n’a pas ouï réquisitoire plus polémiste, ni critique plus féroce de l’impérialisme américain depuis Jello Biafra, Frank Zappa et le MC5. Un fuck off sans concession, d’autant plus subversif qu’il se trouve en partie camouflé au fond d’un milkshake. Du tréfonds de son caveau, Alan Vega en ricane encore.

Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder

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