Jazz moderne |
Un guitariste dénommé Gaucher, voilà qui pourrait évoquer Hendrix. Mais pour Pierrejean, les références se situent principalement ailleurs. Né en 1958 à Paris, sa vocation pour l’instrument à six cordes ne se révèle qu’après son quinzième anniversaire (auparavant, ce Gaucher se passionnait plutôt pour le dessin). Assidu, l’adolescent progresse vite, sous l’égide de profs tels qu’Alain Vérité, Yves Jaget, Eric Boell et Philippe Petit, avant de franchir l’Atlantique pour y suivre quelques trimestres à la fameuse Berklee School de Boston. À son retour, il forme le groupe Abus Dangereux, avec lequel il enregistre six albums (plus un live et un “Best Of”), avant de fonder en 1992 son New Trio avec le bassiste Daniel Yvinec et le batteur André Charlier. Augmentée de deux autres larrons, cette formation enregistre en 1998 l’album “Zappe Zappa”, en hommage au divin moustachu disparu (elle lui consacrera un live quatre ans plus tard). Ses pérégrinations le menant ensuite de l’enseignement (au CMCN de Nancy, ou encore à l’école supérieure de jazz fondée par Didier Lockwood à Dammarie-les-Lys) au journalisme écrit et radiophonique, il n’en poursuit pas moins sa carrière artistique: Phileas Band, 2G, Melody Makers. À ce jour, le bonhomme aligne une vingtaine d’albums intégraux, et autant de participations à des projets parallèles. Parrain officieux du fameux “groupe des six”, Érik Satie (1866-1925), désormais quasi-unanimement célébré en tant que l’un des plus féconds précurseurs des musiques du XXième siècle, fut longtemps incompris (voire décrié) par ses contemporains, dont les plus réticents allaient jusqu’à le qualifier de dilettante. Sans que la filiation directe avec Zappa n’ait jamais été revendiquée par ce dernier, Pierrejean Gaucher n’en décèle pas moins maintes convergences dans leurs démarches respectives: collages inattendus, juxtapositions incongrues, disruption, décalage, audace harmonique et humour absurde les caractérisaient en effet à parts égales. Avec le concours de jeunes et talentueux musiciens de la scène jazz française actuelle (Thibault Gomez au Fender Rhodes dans le rôle d’un George Duke inspiré, Alexandre Perrot à la contrebasse et Ariel Tessier aux fûts, augmentés tour à tour de Quentin Ghomari, Robinson Khoury, Julien Soro et Paul Vergier aux cuivres), Pierrejean Gaucher zappifie Satie à l’envi, au gré de vents ternaires (“Satie’s Blues, “Le Binocle Et Le Moustachu”, “Danse De Travers N°4”). Des vignettes telles que “La Croisière Ca Use – Le Départ” (puis “…- Le Retour”) ou “Circulation Fluide” évoquent ainsi autant le Frank de “Peaches En Regalia” que Bill Frisell. Lors d’intermèdes empruntant le ton volontairement désuet de la fanfare (“Écriture Totomatique”, “Les Clowns Dansent”), on songe parfois à la Campagnie Des Musiques À Ouïr, et si une poignée des 18 plages proposées ne doit directement guère à Satie ni à Zappa, celles-ci ne perturbent en rien la cohérence de l’ensemble, où l’on perçoit par ailleurs la trace de formations comme le Gong de “Shamal” et “Gazeuse” (“L’Office Des Étoiles”, “Circulation Dense”), King Crimson et Magma (“Service Coupé”). Zappa disait “le jazz n’est pas mort, il a juste désormais une drôle d’odeur”. On pourra désormais appliquer aussi cette formule au regretté reclus d’Arcueil: un bien bel ovni, dont on ne se privera pas de s’octroyer le privilège d’une fructueuse et roborative exploration prolongée.
Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder
PARIS-MOVE, February 28th 2021
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Si vous lisez trop vite, vous penserez “Oh, le vilain! Mais comment? Il zappe Satie???”. Non! En fait c’est tous l’inverse, et c’est bien normal, car si vous connaissez l’excellent groupe PJ5 dont il fait également partie, il y a là de très nombreuses traces de Satie pour lequel Pierrejean Gaucher, comme de nombreux musiciens, a une haute estime: “Erik Satie était précurseur de toutes les musiques du XXème siècle”, c’est ce qu’il a déclaré sur cet article de France Musique que vous pouvez retrouver ICI
Au-delà de cette appréciation, il faut considérer le travail d’écriture de Pierrejean Gaucher comme une véritable prouesse, car pour ne pas trahir Satie, il faut prendre en compte autant les silences que les moments de tempêtes, et savoir les gérer, ce qui est le cas ici.
Zappe Satie à tous les traits de l’excellence du jazz européen. En effet, si aux USA il est l’héritage de la musique noire, en Europe c’est une inspiration de cette musique noire qui vient se poser sur un contexte classique et dans lequel on peut souvent trouver des influences de rock ou de pop musique. Un véritable “Barnum” de musiciens est présent sur cet album: Orchestre National de Jazz, Ping Machine, PJ5, Sweet Dog, Sarab… Du coup, Satie zappé zappe dans tous ses états, nous faisant traverser les nombreux tableaux d’une exposition chimérique que seuls les véritables amoureux de la musique au sens large, sauront percer à jour.
Nous avons en Europe un certain nombre de musiciens d’exception, et Pierrejean Gaucher est fait de ce bois-là, Artisan (avec un Grand “A”!) d’une culture faite d’intelligence et du sens des autres, sachant parfaitement importer sa culture personnelle dans son art. C’est donc tout naturellement, et au son de Gymnopédie n°8 dont il apporte une relecture passionnante, que les rédactions de Paris-Move et de Bayou Blue Radio déposent le sticker “Indispensable” sur cette délicieuse galette.
Thierry Docmac
Bayou Blue News – Bayou Blue Radio – Paris-Move
PARIS-MOVE, March 13th 2021
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Nous n’avons manifestement pas la même définition du terme “zapper”, Pierrejean Gaucher et moi. Mais nous ne nous en plaindrons certainement pas… Pour moi, quidam bien ordinaire, comme pour le commun des mortels d’ailleurs, zapper signifie chercher désespérément sur les chaînes radiophoniques, petites, moyennes et grandes ondes ou télévisuelles toute émission particulière présentant un certain intérêt. Démarche qui trouve son origine dans un certain ennui et dans la recherche de nouveauté et d’originalité. Pierrejean nous présente davantage cela comme l’exploration la plus complète possible d’un univers bien particulier. Il le fit avec celui de Frank Zappa et il poursuit sa tâche avec celui d’Eric Satie. Pierrejean Gaucher a le talent presque trop discret, jugez plutôt, car il est guitariste, compositeur, arrangeur et réalisateur, avec aussi près de 20 albums en tant que leader ou co-leader, quelques arrangements et productions, et 20 albums en tant que guest ou sideman! Tout dans ses démarches indique que nous avons là un défricheur explorateur découvreur inventeur hors pair! Du talent à l’état pur! Sa discographie l’illustre superbement, d’ailleurs. Pierrejean Gaucher a travaillé avec un certain nombre de groupes: Abus Dangereux, New Trio, Phileas Band, les 2 G, Melody Makers sur différents projets, et plutôt que d’aller, cette fois-ci de groupe en groupe, comme il l’a fait longtemps, il préfère dorénavant former un seul groupe avec des musiciens issus d’autres formations avec d’autres projets: Orchestre National de Jazz, Ping Machine, PJR ou Sweet Dog et j’en passe. On rteoruve ici Thibault Gomez aux claviers, piano Fender Rhodes, Alexandre Perrot à la contrebasse, Ariel Tessier à la batterie, Quentin Ghomeri aux trompettes sur 3 titres, Robinson Khoury au trombone sur 2 titres, Julien Soro aux saxophones et à la clarinette sur 4 morceaux et Paul Vergier aux saxophones sur 2 titres également. Pierrejean a composé les 18 morceaux inspirés de Satie et Zappa. Il faut dire qu’il établit quelques similitudes entre les deux compositeurs musiciens géniaux. “Autodidactes tous les deux, ils considèrent que le seul intérêt des règles, c’est de les dépasser.” Et d’expliquer, en quelques mots, leurs points communs… L’intitulé du petit livret qui accompagne l’album s’intitule Mémoires d’un psychotique… Si l’on se réfère à la définition, “Le trouble psychotique partagé se développe chez un sujet sous l’influence d’une ou de plusieurs personnes qui présente(nt) des idées délirantes de contenu similaire”. Il est manifeste que c’est le cas de ce génial musicien guitariste qui nous propose une musique sous influence des deux autres compositeurs… D’où vient la musique de cet album explique pas à pas la genèse de chacune des compositions. Un somptueux album!!
Dominique Boulay
Paris-Move & Blues Magazine (Fr)
PARIS-MOVE, March 11th 2021
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Un album à commander absolument et sans tarder sur le Bandcamp de l’artiste, ICI
Page Facebook de PIERREJEAN GAUCHER: ICI
“Satie’s blues” (Premier extrait de l’album Zappe Satie. Cette vidéo est une version courte du titre “Satie’s blues”):
“Sad Satie” (Second extrait de l’album Zappe Satie. Cette vidéo réalisée par Benoît Renard illustre le titre “Sad Satie”):
Pierrejean Gaucher Zappe Satie – Morceaux choisis de son album:
Guitare : Tausch Guitars modèle 665 Raw Deluxe
Ampli : Kelt V-Twin
Prise de son : Universal Audio Ox Box
Pédales : Jan Ray Vemuram, Memory Man Electro Harmonix, DD-7 Boss, Flint Strymon