PHANTOM BLUES BAND – Still Cookin’

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Blues
PHANTOM BLUES BAND - Still Cookin'

En dépit de son énigmatique appellation, le Phantom Blues Band est une sorte de who’s who de la scène blues & roots américaine: une sorte de shadow cabinet musical en somme. Que l’on en juge, quasiment chacun de ses membres aligne un curriculum à faire blémir la concurrence. Mike Finnigan, qui y assure les claviers et chante, accompagna ainsi au fil de sa carrière de session man rien moins que Jimi Hendrix, Joe Cocker, Crosby, Stills & Nash, Dave Mason, Michael McDonald, Rod Stewart, Etta James, Leonard Cohen, Tower Of Power, Manatthan Transfert, Peter Frampton, Cher, Ringo Starr, Tracy Chapman et Buddy Guy (entre autres). Pour compléter le tableau (si besoin était), son propre fils, Kelly (lui aussi chanteur et claviériste polyvalent) dirige son propre band de soul revival, les Monophonics (chez Colemine Records). À la batterie, Tony Braunagel affiche lui aussi un fieffé pédigrée, puisque depuis sa bonne ville de Houston, Texas (où il débuta adolescent dans les mid-sixties), il migra d’abord pour New-York, avant d’y embarquer avec l’artiste calypso bien connu Johnny Nash, qu’il accompagna dès 1973 en tournée anglaise. Repéré par Chris Blackwell, patron d’Island Records, il effectua quantité de sessions pour les artistes maison dans les studios de ce label, avant de s’y lier avec le jeune (et tourmenté) Paul Kossoff, alors guitariste en rupture de ban avec son propre band, Free. C’est ainsi que le jeune Tony s’embarqua dans l’aventure Back Street Crawler (deux albums avec Kossoff, avant que celui-ci ne décède prématurément d’un arrêt cardiaque, en plein vol transatlantique). De retour aux States, Braunagel y reprit son job de supplétif, prêtant ses baguettes et son expérience à des touristes californiens tels qu’Eric Burdon, Bette Middler, Bonnie Raitt ou Rickie Lee Jones. C’est ainsi qu’on le retrouve dès 1993 parmi un aréopage de musiciens de renom (dont Bill Payne et Richie Hayward de Little Feat), sur le fameux “Dancing The Blues” de Taj Mahal (et son successeur, “Senor Blues”, sans oublier le live “Shoutin’ In Key”, dont il assura aussi la production, et le bien intitulé “Phantom Blues”, qui procura son nom au collectif présent). Tony se double en outre d’un songwriter prolifique, et d’un producteur fort prisé (outre Eric Burdon, il a ainsi dirigé des enregistrements de Mike Zito, Rickie Lee Joes, Ana Popovic, Curtis Salgado, Deb Ryder et Rickie Lee Jones)… À la basse, le Groupe Fantôme compte le novice Larry Fulcher, dont les états de service incluent Smokey Robinson, les Crusaders et des pointures reggae telles que Third World et les Wailers. Au saxophone, le Phantom Blues Band se contente ensuite de Joe Sublett, pilier de la scène d’Austin au sein des légendaires Cobras (auprès des frangins Vaughan, ainsi que de la volcanique Lou Ann Barton). Le seul “bleu” relatif de la bande s’avère donc le guitariste Johnny Lee Schell, qui ne peut se targuer que d’avoir longtemps collaboré avec le légendaire Norman Petty au Nouveau-Mexique!.. Tout en continuant à se produire régulièrement en tant que backing band officiel du grand Taj (notamment lors de certaines éditions de la Legendary Blues Cruise), ce petit monde a déjà réalisé trois CDs dans son coin depuis 2003 (dont deux sur le défunt label Delta Groove), et voici donc leur quatrième à ce jour. Leurs contributions aux albums précités de Taj Mahal s’étant caractérisées par leur réminiscence du rhythm n’ blues sixties et fifties, on ne s’étonnera guère d’en retrouver ici les effluves. L’album s’ouvre sur une version digne des Blues Brothers du “Don’t Fight It” de Steve Cropper et Wilson Pickett: les cuivres pétaradent comme à la parade, et le piano de Finnigan y épouse les lignes basiques des Johnnie Johnson et Mac Rebennack qui en posèrent les fondations. Dès “Stop Runnin'”, on se convainc que la touche Sam & Dave du tandem Hayes et Porter (portée par un Hammond B3 gouleyant et une basse constrictor) sera le viatique de cet album au groove addictif. Comme on n’apprend certes pas à de vieux singes à faire des grimaces, ces Messieurs savent pertinemment mijoter leur stew, et la température persiste à grimper ostensiblement sur ce tapis rythmique. Braunagel entame d’ailleurs un second-line beat louisanais à souhait, pour un “Wingin’ My Way” que les Neville Brothers et Little Feat auraient pu adouber sans restriction (slide hoodoo à l’appui). Si “Just In Case”, good time R&B number à la sauce Nola, brille davantage par son exécution que par sa valeur intrinsèque, le languide “Blues How They Linger” renvoie quant à lui aux heures moîtes dont les magistrals Ray Charles et Charles Brown s’étaient en leur temps faits les hérauts. En mode reggae cuivré, “Shine On” offre à Larry Fulcher l’occasion de justifier ses dreadlocks, tandis que le “Better But Not Good” de Mike Finnigan évoque le Doctor John de la grande époque. La dichotomie qu’induit l’instrumental “Tequila Con Yerba” se résoud ensuite, comme son titre l’indique, entre El Paso et Cuba: avec des fourmis dans les arpions! Même s’il n’a rien à voir avec le “Bad Blood” des Coasters, celui de Mike Finnigan en restitue la verve, avec la touche swamp qu’y portent les cuivres et la guitare en phasing de Schell. En dépit de son titre, “Fess On Up” s’avère davantage un judicieux hommage à Dave Bartholomew qu’à Professor Longhair, et l’adaptation du “I’m Just Your Fool” de Buddy Johnson s’arrime à celle de Little Walter (reverb incluse sur les vocals), les cuivres y suppléant l’harmonica. Le mélancolique “I Was Blind” ferme le ban, sur un ton que n’aurait pas dénié le regretté Lowell George, slide lugubre et chant à l’unisson inclus. Les amateurs de musiques sudistes vintage et les inconsolables endeuillés de Little Feat ne pourront que joindre leurs crédits respectifs envers un album aussi sincère et abouti.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, February 6th 2020

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