PETRA HADEN – Sings: The Who Sell Out

Bar None Records
Pop
PETRA HADEN - Sings The Who Sell Out

Pour les authentiques fans des Who, le 11 septembre 2001 était de toute façon déjà une date funeste. C’était en effet le 23ème anniversaire de la disparition de Keith Moon. Et 19 ans plus tard, sa perte n’en demeure pas moins irréparable. On le sait, Moon était sans doute perturbé, et son jeu de batterie (aussi incontrôlable que ses frasques hors de scène) devait dissimuler un profond mal-être, auquel seul son groupe pouvait procurer un sporadique exutoire. Mais ses trois comparses n’en présentaient pas moins leurs propres failles, et c’est probablement la combinaison de leurs névroses respectives qui alimentait la dynamique explosive de leur ensemble. Quant à Petra Haden (l’une des quatre rejetons de la légende du jazz moderne Charlie Haden), elle a récemment enregistré avec ses deux frangines l’épatant “Family Songbook” (sous l’appellation de Haden Triplets), mais ne s’est pas cantonnée pour autant à cette seule expérience. Quinze bonnes années auparavant, son ami Mike Watt (bassiste des Minutemen, et accessoirement aussi des Stooges brièvement reconstitués) lui lança un défi aberrant: réinterpréter à elle-seule le fameux troisième LP des Who, le classique “Sell Out” (originellement paru en 1967). Fantasme de fan autant qu’illumination de saoulographie nocturne, c’était le genre de pari insensé auquel personne n’aurait jamais osé se confronter. Pas précisément du genre à se dégonfler, la jeune Petra se coltina d’abord la découverte, puis le décortiquage en règle de l’album en question (dont elle ne connaissait au départ que le titre). Puis, de 2000 à 2003, elle s’appliqua à en transposer la plupart des parties orchestrales a capella (guitares, cuivres, et à l’occasion percussions incluses!), afin de les harmoniser et les assembler au moyen d’un simple magnétophone huit pistes. Un travail de Bénédictin, d’autant plus ardu que la version originale portait en germe toute l’ambition pré-symphonique de Townshend, dont l’étape créative suivante devait déboucher sur le pompeux “Tommy”. Alors qu’on ne s’attendait guère à mieux qu’un gag potache, cette relecture 100% vocale aboutit à une impressionnante mise en abîme, empruntant à la fois au chant grégorien en canon (dont John Entwistle lui-même s’était manifestement inspiré, notamment sur “Silas Stingy”) et au doo-wop dévoyé de formations telles que les Four Freshmen et les Beach Boys (dont Moon était gaga). Seul équivalent connu de notre “The 1,2,3,4 Sing The Ramones” national, un magistral OVNI dont se délecteront non seulement les fans les moins obtus du quatuor de Shepherd’s Bush, mais également les amateurs de délirium vocal assumé. En tout cas, un hommage aussi inattendu qu’abouti (*).

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, September 5th 2020

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(*) En le découvrant, Pete Townshend déclara: “I was a little embarrassed to realize I was enjoying my own music so much, for in a way it was like hearing it for the first time. What Petra does with her voice, which is not so easy to do, is challenge the entire rock framework… When she does depart from the original music, she does it purely to bring a little piece of herself – and when she appears she is so very welcome. I felt like I’d received something better than a Grammy”.

PETRA HADEN sings “i can see for miles” on Youtube, ICI

PETRA HADEN – Sings: The Who Sell Out (en US Import): ICI

PETRA HADEN – Sings: The Who Sell Out (en Vinyle): ICI

Site internet de PETRA HADEN: ICI

A découvrir également, PETRA HADEN qui interprète Tubular Bells (The Exorcist) a-cappella, sur Youtube, ICI