PETER WARD – Train To Key Biscayne

Gandy Dancer Records
Blues

Les amateurs de blues contemporain connaissent tous Mudcat Ward, bassiste des Broadcasters de Ronnie Earl, ainsi que des Bluetones de Sugar Ray Norcia. Ils sont peut-être moins nombreux à se souvenir du propre frère de Mudcat, Peter “Hi-Fi” Ward, guitariste de son état, et c’est une lacune que cet album entend corriger. Pilier de la scène de Boston et de celle de Nouvelle-Angleterre (à laquelle appartiennent aussi Duke Robillard et Roomful Of Blues), Peter Ward fit longtemps partie du Legendary Blues Band, aux côtés de soudards ayant accompagné Muddy Waters: Luther “Guitar Jr” Johnson, Willie “Big Eyes” Smith, Pinetop Perkins, Calvin Jones et Jerry Portnoy. Apparemment, quatre décennies de compagnonnage blues procurent au moins le bénéfice d’un carnet d’adresses fourni, puisqu’outre les Bluetones au grand complet (Neil Gouvin aux sticks, Mudcat à la basse et Anthony Geraci aux ivoires), cet album s’enorgueillit d’invités de renom et de talent. Outre Luther “Guitar Jr” Johnson, qui ouvre le ban en énumérant son propre parcours sur “The Luther Johnson Thing” (de Magic Sam à Magic Slim, en passant bien entendu par McKinley Morganfield), Michelle Willson et Ronnie Earl répondent ici présents. Sugar Ray Norcia chante pour sa part trois titres, notamment “A Westerly Sunday Night” (Texas-driven shuffle évoquant les meilleurs moments des T-Birds de Kim Wilson), et “When You Are Mine”, qui lui donne l’occasion de crooner sur un mid-tempo louisianais, et où Peter donne un aperçu de son jeu volubile sur les six cordes. Johnny Nicholas prend le relais sur la plage titulaire et le savoureux shuffle “Change (Ain’t Never For The Good)”, dans la veine des regrettés Chester Burnett et Hubert Sumlin. Le jump-shuffle “Blues Elixir” voit Peter Ward prendre furtivement le micro, tandis que le master caster Ronnie Earl balance quelques licks bien sentis, dans l’esprit des regrettés Otis Rush et Guitar Slim. Avec le renfort bienvenu de l’harmonica de Sugar Ray, on y retrouve avec bonheur l’esprit et le son des Broadcasters d’il y a 35 ans. Peter Ward est également grand amateur de western-swing (il a produit cette année l’un des ultimes survivants des Texas Playboys de Bob Wills, Herb Remington, avec l’excellent “Goodbye Liza Jane, Hello Western Swing”). Sugar Ray reprend le flambeau pour un “As Long As I Have A chance” dans ce registre même, tandis que la panthère Michelle Willson feule sur les deux titres les plus rock de cette collection (notamment “Coffee Song”, qu’illuminent l’orgue d’Hank Walther et le solo de guitare de Peter). Ce dernier reprend le micro sur “Something Always Slows Me Down”, avant de conclure avec le bref instrumental “Anthony’s Son” (dédié au fils de Geraci). Un album choral, dans l’esprit des récentes livraisons d’Anthony Geraci et Bob Corritore, où le plaisir de communier entre usual suspects se révèle contagieux pour l’auditeur!

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, April 16th 2019.