PETER PERRETT – Humanworld

Domino
Rock

Que font les junkies repentis (du moins ceux qui ont réussi à échapper au fatidique club des 27) quand ils atteignent, éberlués, le troisième âge? S’ils ne jouissent pas d’une semi-retraite dorée et facétieuse (Iggy Pop, Keith Richards), et s’ils ne sont pas inopinément rattrapés par un vilain cancer du foie, consécutif à des hépatites répétées (comme Bowie et Lou Reed), nous disposons désormais d’une alternative à ces options en la personne de Peter PERRETT. Après une existence presque exclusivement consacrée à l’usage compulsif de stupéfiants (et à ses trafics subséquents), il se réveille épisodiquement, tel Hibernatus, entre deux éclipses de dix à quinze ans. Entre temps, bien sûr, son groupe séminal (qui incluait Mike Kellie, batteur émérite de Spooky Tooth), les bien nommés Only Ones, a sombré corps et âme. La formation qui accompagna son premier come back, The One, jeta l’éponge voici plus de dix ans, et l’on n’attendait sincèrement plus grand chose de cet impénitent dévôt de l’autodestruction. C’est dire notre surprise quand Peter PERRETT réapparut en 2017 avec un album d’une digne tenue, “How The West Was Won”. Unanimement célébré par la critique, ce sequel aurait pu se borner à un ultime baroud d’honneur, et l’on aurait salué l’élégante révérence de l’artiste, revenu effectuer un dernier tour de piste. C’eût été compter sans la nature addictive du personnage: cornaqué par ses deux fils, le bougre a repris goût à la création, et le revoici donc déjà à la manœuvre, après cette fois un hiatus de moins de deux ans (un record, le concernant). On en aborde toutefois l’écoute avec la commisération un brin condescendante que l’on accorde souvent aux vétérans sur le retour. C’est là notre erreur, car il subsiste contre toute attente, au tréfonds de ces veines percluses, l’essentiel du venin qui nous accrocha au temps lointain de “Another Girl, Another Planet”. Il n’en faut pour preuve que cette strophe vénéneuse, au détour du faussement cynique (mais foncièrement sarcastique) “Once is Enough”: “If I was young, I’d call it love”. Et le sempiternel jeu de références reprend de plus belle: “I Want Your Dreams” cite le gimmick de “Ashes To Ashes”de Bowie, tandis que le terrassant (et pourtant simplissime) “Heavenly Day” parvient à conjuguer sur un seul accord les arts mêlés de Lou Reed et Ray Davies (à équidistance de “Art Lover” et “Perfect Day”)… Combien de ses thuriféraires risquent-ils d’adopter cette ritournelle pour oraison funêbre? Le reste est à l’avenant, au point que l’on se surprend à nourrir envers son auteur un certain ressentiment, pour nous avoir frustrés de son talent pendant si longtemps. Quelques fulgurances évoquent même la flamboyance de sa formation initiale (“Love Comes On Silent Feet”, “War Plan Red”, “48 Crash”), tandis qu’une ébauche inédite de sérénité illumine quelques élégies (“The Power Is In You”, “Carousel”). Le nihilisme de “Believe In Nothing” s’appuie pour sa part sur des riffs et rhythm patterns réminiscents de Television, tandis que “Walking in Berlin” en fait autant avec le Velvet. Pertinemment épaulé par ses propres rejetons Jamie (guitare et production) et Peter Jr (basse), Peter Pan nous gratifie donc d’un nouveau bijou, aussi inattendu que franchement inespéré. Que voulez-vous, comme le chantait (presque) Brassens, le temps ne fait rien à l’affaire: quand on est bon, on est bon. En dépit de sa trajectoire chaotique, PERRETT demeure bien l’un des ultimes géants de ce rock épique, où se mêlent dans un souffle commun poésie et incandescence.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, June 8th 2019

::::::::::::::::::::::::

PETER PERRETT – “Humanworld”, un album à retrouver sur le site du label Domino, ICI

PETER PERRETT – “Humanworld” Tracklisting:
I Want Your Dreams
Once Is Enough
Heavenly Day
Love Comes On Silent Feet
The Power Is In You
Believe In Nothing
War Plan Red
48 Crash
Walking In Berlin
Love’s Inferno
Master Of Destruction
Carousel

La page dédiée à PETER PERRETT, sur le site de Domino, avec biographie et achat en ligne de l’album: ICI