PETER DEAVES – Ceol Agus Grà

Le Poulpe
Americana, Pop
PETER DEAVES - Ceol Agus Grà

Attention, phénomène! Ce Scouse a eu beau bourlinguer de par le vaste monde (depuis Londres jusqu’en Colombie, en passant par la Californie et Paris, où il réside de nos jours), il n’est jamais parvenu à s’extraire sentimentalement de son Liverpool natal. Mais n’attendez de sa part nulle Merseybeat nostalgia (il était à peine né quand les La’s et Echo & The Bunnymen dominaient le son de la ville): après une brève fixette sur le son des Fabs, le gusse s’est finalement entiché d’americana! Et c’est sous les égides croisées des regrettés Townes Van Zandt et Ricky Nelson qu’il propose à présent son premier album, intitulé “Musique Et Amour” en gaélique. Dès “The Song Never Written”, on pige qu’il ne fait pas semblant: entre George Jones et Kris Kristofferson, le bougre vous entraîne dans une de ces ritournelles dont on aura toutes les peines du monde à se dépêtrer. Pedal-steel et beat de canasson à l’appui, on ne voit guère que Charley Crockett pour rivaliser en pareil registre ces temps-ci. Et alors que l’on pense l’avoir cerné, Deaves nous assène l’estocade avec un “Opening Night” (titre emprunté à John Cassavetes) en duo avec la chanteuse Bobbie (chroniquée ICI), où il restitue l’impressionnante impersonation d’un John Cale subitement versé dans le honky-tonk. Dès lors, la barre placée au plus haut, on attend ce paltoquet au tournant, quand il décoche un “Quarter Past” carrément digne du Leonard Cohen de “Songs From A Room”. Simplement porté par un piano romantique et un quatuor à cordes, on peine à y distinguer le moindre accent british, avant que “My Oh My” n’emprunte à son tour la fausse désinvolture d’un autre fantôme (celui de Nick Drake). Et on se surprend dès lors à vérifier la date de parution du truc: bon Dieu, ne nous jouerait-on pas là quelque tour? Avec son banjo et son violon, l’Appalachien “The Long Green River” oscille entre le Kentucky et le Tennessee, mais “Nowhere Boy”, “Liverpool” et “Bury Me Under The Mersey (Ceol Agus Grà)” n’en évoquent pas moins leur nostalgie de la terre natale. N’y escomptez pas pour autant la moindre allusion sonore au temps de la Cavern et de Gerry & The Pacemakers, puisque Peter y persiste avec obstination dans la voie country-folk. Le fingerpicking de “Liverpool'” renvoie même à ces talkin’ blues dont un certain Robert Zimmerman faisait son ordinaire voici plus de soixante ans, tandis que “Bury Me Under The Mersey” emprunte la geste chorale des irish reels, flûtiaux à l’appui. “Gasoline” réalise même l’improbable utopie d’ouïr un jour un titre intelligent de Oasis, avant que “Heaven Revisited” ne conclue magistralement en mode Johnny Cash… Go ahead, Liverpool Hillbilly!

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co

PARIS-MOVE, March 9th 2024

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