Patrick EUDELINE – “Anoushka 79”

Editions Le Passage
Livre
Patrick EUDELINE (2)

On a déjà tout écrit, ou presque, sur le singulier et incontournable Patrick Eudeline, figure de proue des nuits undergrounds parisiennes et pionnier du mouvement punk de 77, avec son groupe, certes éphémère mais devenu culte: Asphalt Jungle, nom choisi en hommage au film noir de John Huston de 1950, intitulé The Asphalt Jungle (Quand la ville dort), avec Sterling Hayden, Marilyn Monroe, etc…

Bon, je n’ai pas pris la plume ce matin pour jouer les apprentis cinéphiles empruntés et pour concurrencer Pierre Tchernia, ou Eddy Mitchell revisitant sa dernière séance dans son cinéma de quartier, pour une chronique du 7ème art, mais surtout pour vous parler du dernier roman de Patrick Eudeline, sobrement et énigmatiquement intitulé “Anoushka 79”.

Mais si vous me le permettez, je souhaiterai avant de poursuivre en cette direction, faire un petit flashback sur le parcours remarquable du sieur Eudeline, un parcours rock avec, comme il se doit lorsqu’on parle de rock, des hauts mais aussi souvent des bas, et surtout, pour dénoncer une odieuse et injuste cabale à son endroit, une tentative avortée de lynchage pseudo médiatique, émanant d’un magazine insignifiant et politiquement correct “GONZAÏ”, qui publie inexorablement des diatribes conformistes pour bobos en mal de sensations fortes, adeptes des mojitos lors des happy hour des bars branchés de l’est-parisien, des marchés bios et des vélib’, et autres rebelles intransigeants des salons de thé de Saint-Germain-des-Prés, du Café de Flore et des Deux Magots, aussi sensibles à l’art qu’un expert financier à la banque Rothschild.

Patrick Eudeline est l’antithèse des esprits étroits et médiocres. Rock critic à Best, puis Rock & Folk, musicien, chanteur, journaliste, écrivain prolifique (L’Aventure Punk, Ce siècle aura ta peau, Dansons sous les bombes, Gonzo “écrits rock”, ou encore Rue des Martyrs et Le petit gars qui se roulait par terre, etc…). Parallèlement au fait d’être tombé dans la marmite rock’n’roll de Lou Reed et le Velvet Underground, d’Iggy Pop, d’Eddie Cochran, des New-York Dolls, des Sex Pistols, des Flamin’ Groovies, des Rolling Stones, d’Elvis ou du blues 50’s, Eudeline a été biberonné aux grands auteurs et autres poètes maudits du 19ème. Petite précision pour les lecteurs assidus de GONZAÏ, pas de l’arrondissement de la Place des Fêtes et du Parc des Buttes-Chaumont, mais du 19ème siècle: Hugo, Baudelaire, Rimbaud, Verlaine, Mallarmé, Edgard Allan Poe… et lorsque comme l’intéressé, on a fréquenté le milieu lettré de l’Université de Jussieu et croisé la route de la célèbre philosophe, psychanalyste et femme de lettres d’origine bulgare, Julia Kristeva, ça aide un tantinet.

N’en déplaise à certains béotiens et autres béni-oui-oui de l’establishment et d’une certaine branchitude, pathétique et bien calée dans ses starting-blocks du vide intersidéral et de la masturbation intellectuelle, qui ne dépasse pas les albums de Jean-Louis Murat ou Vincent Delerm, Eudeline est un pionnier du punk-rock, qui avec ses acolytes d’Asphalt Jungle, Rikki Darling, Mental Job (Louis Deprestige) et Patrice Le Morvan, mirent les mains de le cambouis, suant sang et eau de la façon la plus biblique, pour imposer leur style révolutionnaire, culturellement et socialement, en pleine période Valéry Giscard d’Estaing, accordéon musette à Chamalières, et des émissions de Maritie et Gilbert Carpentier, grand-messes du samedi soir, avec Carlos, Dalida et Joe Dassin, entre playback ronronnant, strass et paillettes… et lorsque le trou des Halles ressemblait à la Cour des Miracles, Pigalle à Règlements de Compte à OK Corral et la Bastille à une vision apocalyptique, digne du passage destructeur d’Attila le Hun et sa horde sauvage.

En 77, Eudeline et Asphalt étaient une bouffée d’oxygène, un bain de jouvence dans cette jungle périurbaine et ces espaces de non-droit, avec tout ce que représente la dangerosité et le blasphème du rock’n’roll, entre Gene Vincent, Vince Taylor et Sid Vicious, entre crises de delirium tremens et overdoses tous azimuts. Et déjà à cette époque, Eudeline se démarquait par son lyrisme exalté d’écorché vif, voire de mauvais garçon tel le François Villon du 20ème siècle, distillant sa poésie entre Barbès et la Place de Clichy (comme dans la chanson ska du groupe Diesel). Bien que plus chargé en médocs et autres substances illicites que tous les laboratoires pharmaceutiques de France et de Navarre, le chanteur de “Poly Magoo” fut un tremplin pour de nombreux groupes comme Guilty Razors, Starshooter ou La Souris Déglinguée…

De surcroît, son côté dandy exacerbé était bien palpable. Patrick Eudeline a toujours été la pierre angulaire du mouvement dandysme né à Londres et incarné par Lord Byron et Oscar Wilde et bien plus tard par un certain… Brian Jones, membre-fondateur des Rolling Stones, ou encore Brian Ferry. Dans l’hexagone, lorsqu’on aborde le dandysme, outre Eudeline qui a toujours été l’archétype d’une certaine idée de ce mouvement tel que Jules-Amédée Barbey d’Aurevilly le concevait, l’art du raffinement et de l’élégance d’outre-Manche à tous les étages, on peut également citer Christophe Bevilacqua, mais aussi Dick Rivers période 67-68-69 et de son album concept “L’Interrogation”.

Après ce petit voyage au sein de la machine à remonter le temps, un temps aujourd’hui bien révolu, j’aborderai (enfin!), l’actualité récente et bouillonnante de Patrick Eudeline et de son excellent roman “Anoushka 79”, qui de sources sûres et confidentielles, se vend excellement bien. Seul petit bémol qui m’a fait récemment sortir de mes gonds et terriblement chagriné, le papier signé d’un certain Bester (pourquoi ce pseudo ridicule? Coquetterie de star en herbe je suppose?), dans le magazine “GONZAÏ”, intitulé “Patrick Eudeline est-il devenu le Eric Zemmour du rock?”, torchon faisant suite à son article sur Polanski. Avant cet article, que je considère comme une incroyable ineptie, je vous avoue que je ne connaissais l’existence de ce magazine de très très loin. Non, encore beaucoup plus loin que ça… Ce style de presse n’étant indubitablement pas ma tasse de thé, ni mes racines, ni ma culture musicale et personnelle. Bref… Mais lorsque je lis des conneries du style “Tes papiers sur L’Incorrect sont tellement odieux que c’est incompréhensible que les gérants de Rock & Folk ne t’aient pas débarqué pour t’envoyer dans un EHPAD “, je trouve ça vraiment grotesque et d’une pauvreté intellectuelle monumentale. Personnellement, je n’ai aucun grief envers ce monsieur Bester, avec lequel je suis ami sur Facebook d’ailleurs (tiens!?!?), ce monsieur Bester qui se présente sur ce réseau social comme PDG, avocat et actionnaire majoritaire à GONZAÏ. Bon, j’arrête-là la carte de visite car je la trouve pompeuse et emphatique, pour le boss d’un magazine qui se dit tourné principalement vers la culture pop et alternative. Même Macron aurait fait plus humble et plus light! Mais bon, cette opinion ne regarde que moi… mais putain c’est quand même assez antinomique, non? Quoi qu’il-en-soit, je commence sincèrement à en avoir ras le bol des petits inquisiteurs, des donneurs de leçons, des adeptes indécrottables du politiquement correct, des scribouillards de la bien-pensance, des messieurs les ronds-de-cuir, que n’aurait pas reniés Courteline en personne, du gluant conformisme, des héros pour moutons de Panurge béats…
Pour conclure sur cet épiphénomène GONZAÏ, je dirais que l’art sous toutes ces formes, la musique, la littérature, le rock’n’roll, n’ont pas à avoir de couleurs politiques et ne doivent pas être cloués au pilori de la pensée unique, Place de Grève, là où l’on exposait les suppliciés qui avaient l’audace et l’outrecuidance de penser autrement. Je conçois aisément qu’un groupe de rock puisse se produire en toute quiétude à la Fête de l’Huma de La Courneuve, et le lendemain jouer dans une ville gérée par un autre parti politique, même de droite et même très à droite. Sinon, on sombre corps et âme dans l’absurdité la plus kafkaïenne. Dans un récent passé, des groupes comme La Souris Déglinguée ou les Forbans, ont injustement souffert des mêmes élucubrations. Comme si un artiste comme Tai-Luc, que je connais personnellement, était quelqu’un de raciste! Théorie lamentable et abjecte! Voire même risible! D’autre part, l’ex batteur du groupe lyonnais Starshooter, mon ami Philippe d’Anière, aujourd’hui exilé à L.A, qui vient de sortir un excellent bouquin intitulé “Pressing”, et lui-aussi accusé quotidiennement des mêmes inepties et traité de facho, etc… et inlassablement trainé dans la boue d’un système nauséabond et sectaire, par des crétins incultes. Et puis, que restera-t-il de GONZAÏ dans quelques années? Que va laisser ce canard dans le futur et la postérité? Rien, absolument rien! Que dalle! Zéro! Tandis que l’œuvre littéraire de Patrick Eudeline perdurera contre vents et marées, et contre les coups de griffes insignifiants de petits gratte-papiers, aigris, à la notoriété et au talent homéopathiques. Incontestablement, il restera quelque chose d’Eudeline, de sa plume, de sa musique, de sa culture, de sa gouaille à la Aristide Bruant… Quant à “Poly Magoo”, plus de 40 piges plus tard, ce titre demeure toujours un hymne du punk-rock cuvée 77!

Pour en revenir enfin au sujet qui nous intéresse, à savoir le dernier roman de Patrick Eudeline “Anoushka 79”, il s’agit d’un voyage en première classe dans la Paris post-punk, crépusculaire et inquiétant, qui nous préparait aux pathétiques années 80, synthétiseurs et boites à rythmes, aussi froides qu’un bloc de marbre d’Italie. C’est avant tout l’histoire d’Anoushka, starlette destroy des faubourgs de Paname, qui s’est soudainement volatilisée, entre poésie urbaine, sexe, drogues et rock’n’roll. Le monde de tous les damnés de la terre, enfin du Paris 79. Cette énigmatique Anoushka activement recherchée dans des sphères glauques par Simon, fils d’un célèbre chanteur-acteur, sera-t-elle retrouvée? Au gré de cette fiction palpitante, sont cités Taxi-Girl, Asphalt Jungle, Moustique, Vince Taylor, Patrick Verbeke, etc… Bref, tous les héros plus ou moins maudits des rues parisiennes de 79. Certains se reconnaitront…

Bravo et merci à Patrick Eudeline (le dernier néoromantique) pour ce flashback bienfaiteur qui, en 2020, fait du bien, car dans les rues de Paris, toujours pas de soucoupes volantes à l’horizon et les mômes, qui hélas n’ont rien inventé, réalisent encore et toujours des bootlegs et autres mixages, avec des vieux trucs de Jimmy Reed, des Ramones, de Dr Feelgood ou de Presley… Définitivement No futur dans ce No man’s land de l’année 79. Chaudement recommandé pour les nostalgiques et les anticonformistes de tout poil.

Serge SCIBOZ
Paris-Move

PARIS-MOVE, March 8th 2020

::::::::::::::::::::::

A commander sur le site de la FNAC, ICI et dans toutes les bonnes librairies!

IMPORTANT – 13 mars 2020:
Patrick Eudeline fera une lecture musicale de son bouquin ce vendredi 13 (ah, l’humour dandy) à la Librairie Autour des Mots, 1 Place de la Gare, à Roubaix, 59100 (avec Jef Aérosol et Thomas Baignière).

Téléphone: 03 20 46 56 28
Horaires d’ouverture:
Mardi – Samedi : 10h00 – 19h00
Jusque 20h le jeudi
Dimanche et lundi : Fermé

Site web de la librairie: ICI