Rock |
En plus d’un quart de siècle, j’en ai vu passer, des OVNIs, mais tout de même… Comment chroniquer un truc pareil…? À la réception, déjà, c’était hors-normes. Songez que le guichetier de mon bureau de poste m’a même fait signer une décharge, en plus du récépissé. D’emblée, le colis interpellait. Imaginez une boîte de pizza couleur kraft, en carton ondulé contrecollé, marquée au pochoir au verso… On a beau s’attendre à son contenu (trois LPs vinyles), l’emballage interpelle! C’est sans doute l’effet que recherchait Patrick Coutin, en se lançant dans l’enregistrement simultané de ce triptyque. Coutin… Les plus anciens se souviennent de sa signature dans Rock & Folk, parmi d’autres (Adrien, Ducray, Garnier, Feller…), vers la fin des seventies. Juste avant que la new-wave, le disco et le marketing roi n’y rebattent les cartes. Le journal mit une bonne quinzaine d’années à retrouver ses marques (après avoir frôlé la faillite), mais Coutin était alors déjà loin. En 80, “J’Aime Regarder Les Filles” l’avait inopinément propulsé sur le roller-coaster du Top 50 (comme on disait alors), et sa vie avait une fois encore pris une tournure aussi déroutante qu’inattendue. Tandis que le show-biz hexagonal s’imaginait tenir là le nouveau Bashung, Coutin biaisait et tirait la tangente. Ses origines modestes (et la vraie bohème dont il est également issu) n’en font pas exactement le client malléable dont tout impresario véreux rêve de faire ses choux gras. Tirant habilement parti de sa crédibilité artistique, notre homme se fit tour à tour producteur, voire auteur pour d’autres (dont Dick Rivers). Se passionnant autant pour les arts graphiques que pour la poésie beat, il s’investit aussi dans l’éducation populaire, au cœur de ses bleds prolétariens d’élection (de Saumur à Sarcelles, en passant par Bobigny). Ce coffret, il l’a autant voulu en tant qu’objet que pour son contenu. Il a ainsi confié l’illustration de chaque jaquette des vinyles qui le composent à trois de ses graphistes favoris: Hervé Di Rosa, Tanino Liberatore et Gilbert Shelton. Le premier de ces trois volets, “Obsolètes Paradise” doit son titre à Daniel Théron, alias Dashiell Hedayat, alias Jack-Alain Léger: l’auteur de ce fameux “Obsolete” sur lequel figurait l’improbable “Chrysler Rose”. C’est le LP où Coutin rend le plus explicitement hommage aux figures qui ont jalonné son parcours: les Doors (“Light My Fire”), Bashung (“Osez Joséphine”), Dylan (“Like A Rolling Stone”), Dutronc (“La Fille Du Père Noël”), voire même Johnny (“Toute La Musique Que J’aime”), sans omettre les remakes surréalistes de ses propres “Fais Moi Jouir” (façon “Je T’Aime Moi Non Plus”) et “J’Aime Regarder Les Filles” (carrément dub). Bilingue consommé, le Patrick livre ensuite deux albums d’originaux. Le premier (en français) s’intitule “Paradis Electriques”, et s’ouvre par un “How Do You Do Serge” aux références translucides: il s’agit bien du Gainsbourg de “Melody Nelson” et “L’Homme À La Tête De Chou”. Avec sa touche rétro-psycho-garage, “Le Paradis” sonne comme une adaptation de “J’aime Regarder Les Filles” par Ronnie Bird et les Liminanas. S’il existait encore quelques radios dans ce pays, cela aurait sans doute pu être un hit. Le troisième LP, “Welcome In Paradise” est le pendant anglophone de l’entreprise. On y trouve des réminiscences du Velvet Underground (“In The Blackout / Shout”, “By The Sea”) et des Stooges de “We Will Fall (“Let It Goes”), avec John Cale pour trait d’union. Il reste à préciser que Patrick Coutin joue presque tous les instruments sur ce mausolée rose poussière, enregistré et complété entre novembre 2014 et mai 2018. Mieux qu’une malle aux souvenirs ou un carnet d’esquisses retrouvé : une somme.
Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder
PARIS-MOVE, December 6th 2019
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