OTHMAN WAHABI – The Blues Whisperer

Saidari Records
Blues
OTHMAN WAHABI - The Blues Whisperer

N’en déplaise à certain chroniqueur aussi pédant qu’ethno-centriste, ce qui m’intrigue chez Othman Wahabi n’est assurément pas qu’il soit natif du Maroc. Non, ce qui ne laisse de m’épater, c’est que ce garçon soit un réformé du punk et du trash-metal (ce qui restaure chez moi une certaine foi en l’humanité, pourtant bien malmenée en ces temps agités). Ses quinze ans à peine sonnés, Othman fit ses premiers pas musicaux au sein de Keops (l’une des toutes premières formations métal marocaines), avec son ami de maternelle Azzedine. Désormais installé en France, ce dernier y a formé Krav Boca (mince, J.C., un de plus…), tandis que relocalisé au Canada, Othman y a entamé une carrière de bluesman doublement expatrié. Tous deux également asphyxiés par l’État obscurantiste et répressif de leur pays natal n’ont donc entrevu d’alternative que l’exil, mais celui-ci ne constitue-t-il pas au fond l’essence même du blues? Né à Casablanca le 26 septembre 1983 mais basé à Montréal depuis 2005, Othman y a déjà enregistré six albums. Son jeu de slide particulièrement maîtrisé étincelle sur le lancinant “Babylon’s Falling” introductif, tandis que l’ombre du grand Gil Scott-Heron surplombe “The Last Prophet”. Au fil de ses références à Rice Miller Williamson (“Fattening Frogs For Snakes”, dans la veine de John Mayall), Elmore James (ce “Telephone The Boss” démarqué de “Dust My Broom”, et la sidérante relecture folk mandingue de “The Sky Is Crying” qui ferme le ban), Peter Green (la version aérienne du “Nobody’s Fault But Mine” de Blind Willie Johnson), Corey Harris et Taj Mahal (“Taking The Blues Back Home”), celle du negro-spiritual “Down By The Riverside”, ainsi qu’à la geste du regretté John Lee Hooker (le malien “Almany Samory Touré” et la pétrifiante plage titulaire), cette rondelle témoigne d’un pan-africanisme transatlantique à même de relier la diaspora afro-américaine à ses origines vernaculaires et ataviques. Autant dire qu’on cherchera en pure perte des poux à la démarche d’un Othman Wahabi, bien loin d’être moins légitime que (au hasard) celles d’Eric Clapton ou Joe Bonamassa.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, March 15th 2021

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Othman Wahabi ~ The Blues Whisperer (2021):
https://www.youtube.com/watch?v=ZRVgOoECDOk

Othman Wahabi – The Blues (Music Video – extrait de son album Deep Blues):