OS BARBAPAPAS – DooWooDooWoo

Fun In The Church / Bertus
Psyché-latino
OS BARBAPAPAS - DooWooDooWoo

Comme s’en souviennent tous ceux qui engloutirent leurs corn-flakes face au petit écran dans les années 1974-2000, les Barbapapa sont une série animée pour enfants, née sous les plumes conjointes d’un couple franco-américain à Paris. Transposés vingt ans plus tard (en remplaçant les corn-flakes par la psilocybine, et Paris par São Paulo), Os Barbapapas est devenu un quartette de rock psychédélique brésilien. À l’intention de ceux que l’association des trois derniers mots de la phrase précédente laisserait perplexes, commençons par un bref précis historique. Avant d’être universellement connu pour patrie vernaculaire de la samba, bossa et lambada, le Brésil connut en effet un engouement pour le rock n’ roll, en tout point similaire à ses équivalents briton, batave, scandinave, germanique, italien et hexagonal. Sous l’impact du fameux film “Blackboard Jungle” (avec un Vic Morrow confondant en proto-délinquant mâchouilleur de chewing-gum), la chanteuse de samba Nora Ney enregistra dès 1955 une adaptation de sa chanson générique, “Rock Around The Clock”, avant que Heleninha Ferreira ne poussât le bouchon jusqu’à en traduire les paroles en portugais (“La Ronda Das Horas”). Comme sur les trois quarts de la planète, une fois la mèche allumée, la frénésie rock se répandit au Brésil comme une traînée de poudre, et l’on y vit éclore une myriade de formations (Sputniks, Snakes, Blue Jean Rockers, Bolào & His Rockettes…), ainsi que (comme chez nous avec Disco Revue), un magazine dédié au genre dès 1960, Revista Do Rock. Poursuivant les mêmes développements que le reste du monde, le Brésil eut droit ensuite à ses vagues twist et surf (The Jet Blacks, The Jordans, The Clevers), avant sa déferlante Mersey (rebâptisée sur place iê-iê-iê!), avec A Jovem Garda (“la jeune garde”), puis rhythm n’ blues. L’été 67 vit alors fleurir la transposition locale du psychédélisme naissant, sous la forme d’un nouveau genre, le Tropicàlia. Berceau de ce mouvement, São Paulo engendra une première vague de formations aussi débridées que Os Baobàs, Beat Boys, The Galaxies, Os Brazoes et leur fer de lance à toutes, le mythique trio Os Mutantes. Cette vague de fond (à laquelle émargèrent même un temps des stars telles que Gal Costa et Caetano Veloso) culmina en 72 lors du Feira Experimental de Mùsica de Nova Jerusalém, considéré alors comme le Woodstock brésilien, avant que comme un peu partout, cette frénésie créative ne s’embourbe dans le rock prétendu progressif et ses dérivés consécutifs (jusqu’au metal dans toutes ses acceptions). Conçu en distanciel via les réseaux dits sociaux (dont la technologie le permet à bon point), ce premier album d’Os Barbapapas résonne donc comme la résurgence d’un idiome dont la flamme ne s’est jamais éteinte parmi la diaspora mondiale de ses zélotes. Associés au remarquable guitariste électrique Selva Rubens et au polyvalent bassiste, vibraphoniste, steel-drummer et organiste Tomàs Oliveira, les batteurs et percussionnistes Barbara Mucciollo et Fernando Lima mêlent avec brio exotica au sens élargi (calypso-surf sur “Liiriri” et la plage titulaire, pop asiatique avec “Grou”, références orientales sur “Sanga”, desert rock façon Tinariwen via “Zaatar”, twangy film scores avec “Saudade Dos Humanos” et “Buena Onda”, cavalcade chicano pré-Santana pour l’entraînant “Sambeven”, ou torpeur bossa hagarde sur “Hy Brasil”…) et arrangements psycho assumés. En 13 vignettes instrumentales concises, Os Barbapapas nous épargnent à bon escient le pensum de la space-jam à rallonge. Ne cédant pas à la tentation d’un revivalisme stérile, ils transforment ici le confinement en voyage initiatique: une performance en soi!

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, June 1st 2021

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OS BARBAPAPAS – DooWooDooWoo:

OS BARBAPAPAS – Sanga: