Nina Simone – What Happened Miss Simone

DVD - Eagle/Universal
Blues

Autant prévenir d’emblée, la vision de ce remarquable documentaire vous tirera des larmes. Et pas que d’émotion. Petite Négrillonne surdouée dans la Caroline du Nord ségrégationniste d’avant-guerre, elle était donc née dans une famille pauvre mais digne. C’est à dire croyante, dans un environnement où un simple regard pouvait valoir à des hommes et femmes de couleur de finir brûlés vifs, enchaînés à un pneu de camion, ou pendus à la branche la plus proche. Elle qui rêvait de devenir la première concertiste classique noire dut, pour faire bouillir la proverbiale marmite familiale, se produire d’abord dans des cabarets interlopes, et sous un nom d’emprunt de surcroît: celui sous lequel le monde la connait encore de nos jours. Personnalité complexe (comment y échapper, quand on y combine en quelque sorte celles de Jean-Sébastien Bach, de Billie Holiday et de Lenny Bruce?), elle connut donc le destin tragique des vraies pasionarias: pauvreté, ascension, activisme et déchéance. Remarquablement réalisé par Liz Garbus (et cornaqué par la propre fille de Nina), ce film se regarde et s’écoute comme une saga. De son implication militante dans le mouvement pour les droits civiques jusqu’à sa quête de ses propres origines africaines, et de la progression de sa maladie à son retour en grâce dans ses ultimes années, rien n’est occulté. Deux jours avant sa mort, elle reçut une distinction du Curtis Institute, le conservatoire supérieur qui lui avait refusé son admission un demi-siècle auparavant. Ce n’était donc pas Nina Simone qui était bipolaire, mais bien le monde où elle advint.

Patrick Dallongeville
Paris-Move / Blues Magazine / Illico & BluesBoarder

Nina Simone