NICOLAS MORO – L’AMOUR EST UN OISEAU VOLAGE

Blues, Chanson française

D’emblée, la cover de cet album surprend par son audacieuse originalité. Comme dans le regard de l’illusionniste, se lit dans les yeux de l’artiste une délicieuse malice, tout comme dans l’intitulé de son opus, ‘L’amour est un oiseau volage’, qui laisse présage à quelques libertinages. Quand au volatile de basse cour, serré au cou et déplumé, il fait figure de marionnette ayant perdu tout son glamour, comme pour mieux se moquer du futile et de l’inutile. Loin d’être le premier venu avec à son actif un long chemin déjà parcouru, Nicolas Moro sort des entiers battus, à cent lieues des ‘m’as-tu-vu’ dont certains médias nous bassinent à longueur d’année, faisant que maintes et maintes fois nous avons les oreilles rabattues.
Nicolas Moro, auteur compositeur et multi-instrumentiste, ne s’embarrasse pas de préjugés, laissant libre cours à sa générosité et ses traits d’ingéniosité pour que prône en toute liberté une belle identité. Il écrit textes et musiques, redore le blason de la langue de Molière et sa poésie libère la magie des mots simples du quotidien, ces ‘petits riens’ qui nous font tant de bien. Jamais le verbe conjugue l’insolence, mais avec une déconcertante aisance il s’accoquine pour flirter avec les mots non dépourvus d’innocence.
Nombreux sont les atouts majeurs de cet album! Multiples sont les terres de contraste de l’artiste, car il nous bluffe dans la cinquième dimension de son univers intemporel, ouvrant quelques fenêtres sur le passé tout en laissant la porte grande ouverte sur le présent. Chacune des 12 compostions de Nicolas Moro donne vie à une fresque où se côtoient l’émotionnel et parfois le burlesque. Tant la palette musicale est variée, elle n’engendre pas la monotonie, tant les textes non dénués d’humour et de tendresse sont superbement ciselés, il n’engendrent pas la  mélancolie.
Dès ce premier titre, ‘Twist à mourir’, première invitation au voyage, la voix et les riffs endiablés de la Gibson vous embarquent au coeur des sixties pour un bon vieux rock ‘n’ roll, quelque part entre les rives du Missouri et du Mississipi. Exaltés, les cheveux ébouriffés, vous sortez de cette Chevrolet aux chromes rutilants, vous faites une grande enjambée en avant. Changement de décor, elles sont loin les belles filles et les guitares, tout comme le perfecto, la brillantine, le blouson noir et la bagarre. Vous entrez dans le monde du surréalisme, vous passez à l’heure d’hiver. Nicolas Moro endosse le costume dudit affreux, pour une complainte avec quelques accords de Jazz manouche. Cette chanson est à prendre au second degré, car l’humour un peu décalé fait ressortir toute la beauté du texte. Jugez par vous même, évoluez sur quelques pas de Tango et laissez-vous emporter. Respirez, voici la vidéo du titre ‘Le destin des affreux’.
Pour regarder la vidéo cliquez ICI

Le vent souffle à nouveau dans la grande plaine. Nicolas Moro y vivait heureux, solitaire comme un John Wayne dégainant sa ‘Winchester’, titre de cette chanson. Il suffit d’un peu d’imagination pour retrouver Bob Dylan trainant ses bottes aux côtés de Pat Garret et de Billy the Kid dans un western de Sam Peckinpah. Nicolas joue de différents instruments, guitare, banjo 5 cordes, lap steel, dobro et mandoline pour que ce poignant country blues, métaphore où l’hirondelle et l’indienne ne font qu’une, vous fasse frissonner d’étonnante façon, car vous vous en doutez, l’amour est un oiseau volage qui ne vit pas longtemps en cage.
Cette chanson suivante, ‘Une Ombre’, est une réflexion un peu sombre sur le train-train du quotidien dont certains d’entre vous connaissent sûrement la servitude sous l’indifférence des regards. “Le long des rames déambule un cortège de somnambules. La même absurde transhumance qui chaque matin recommence.”
Gardez la pêche, le ‘Montmorillon Swing’ va vous redonner une banane d’enfer! Ce titre est une délectation à consommer sans modération. Il me semble même entendre rire aux éclats, frapper fort dans ses mains, battre la mesure et applaudir, tout là haut, notre incontournable et regretté Coluche. Lorsque la dérision frise un semblant de réalité, notre clown adoré au nez rouge et au gros coeur est toujours présent pour apprécier. Voici la vidéo, prenez garde à la marche en descendant du train et enivrez-vous jusqu’à la lie!
Pour regarder la vidéo cliquez ICI

Sublime est ce texte, ‘Le dernier rang’, tant la poésie épouse l’amertume d’une tranche de vie dans l’attente d’une promise qui semble inaccessible: “Tu cèdes au baratin du dernier des crétins qui te promet du vent et me passe devant. Tu succombes aux avances bien que je le devance d’un autre qui ne promet rien, mais qui le fait si bien.”
Guitare, mandoline et banjo se font complices, rieurs et roublards en toute impunité sur cette chanson: ‘Je fais des affaires’. Ne refusez pas l’invitation, tant elle vous tend les bras, venez danser la java, non pas du côté de Broadway, mais sur les quais d’une station du métropolitain. Humour quand tu nous tiens: “Lorsque les souris tortillent nonchalamment du valseur, du côté de la Bastille, je relève les compteurs. Moi j’vis avec mes combines, je fais des affaires.”
Tel un intermède, ‘Encore un peu’ est une ballade nostalgique sur le temps qui passe, même si vous ne croyez plus en l’homme ni en Dieu, même si les années ont blanchi vos cheveux, vous espérez encore un peu.
Ambiance piano bar et rencontre avec ‘Le convive’, personnage qui ne sait se tenir. L’indélicat avoue: “Si vous voulez mon opinion, j’ai sans doute un peu abusé de ce fameux Dom Pérignon, il ne faut rien se refuser….”
Le Blues est à l’honneur avec ce titre: ‘Louise’. Un blues lent et profond qui vous tient en haleine, tant la voix, le jeu de guitare et de l’harmonica avec cette élégance de la nonchalance vous colle le frisson. Titre que ne désavouerait sûrement pas un de nos pionnier du Blues chanté en français, un certain B.B.B. pour ne pas le citer. C’est sûr, je pense, y’a pas à ‘tortiller’!
Comme par magie, vous vous retrouvez dans les années folles de l’après-guerre. Vous guinchez dans une cave du côté de Saint-Germain-des-Prés sur cette chanson ‘Dans la peau’, dont vous reprenez tous en choeur les paroles: “Il me faut te faire un aveu, depuis que je t’ai dans la peau, il n’y a plus que toi qui peux m’aider à soulager mes maux. Mon épiderme est très sensible, je n’peux pas me gratter partout. Dans les endroits inaccessibles, la démangeaison me rend fou. Si tu pouvais précisément me gratouiller ces endroits-ci, je t’en serais reconnaissant, je te gratterais moi aussi.”
Un dernier titre, un dernier contraste, une dernière festivité, avec cette chanson, ‘ça laisse à désirer’ et toujours une touche d’humour, même si certains ont des dettes à honorer, car qui paie ses dettes s’enrichit… dit-on!
Au fil des titres de cet album, Nicolas Moro est accompagné d’une vingtaine de musiciens confirmés. Ils sont cités sur cette page du livret, que je vous propose ici:

Cet album, ‘L’amour est un oiseau volage’, est inclassable, donc incontournable. Il faut absolument vous le procurer car un vaisseau spatial s’est posé depuis peu sur notre planète bleutée, et Nicolas Moro, l’extraterrestre, appelons le ET, bouscule désormais les codes établis de la chanson française.
Pour commander cette croustillante galette, nul besoin de décrocher la lune, c’est simple, rendez-vous sur la page officielle de l’artiste: ICI et également sur son blog, au fil des jours, ICI

Alain AJ-Blues
Rédacteur en chef adjoint – Paris-Move