Blues |
Né en 1973 à Toulon, Nicolas Toussaint y découvre le blues à quinze ans, comme on entre en religion. Fasciné par le jeu de James Cotton sur le “Hard Again” de Muddy Waters, il s’entiche alors de l’harmonica et, fort de son second prénom (qui lui vient de son parrain américain résidant dans le Minnesota), se rend régulièrement aux USA. Après avoir formé son premier groupe, “Vent Du Sud”, avec son père pianiste, il ne tarde pas à en monter un autre, “Nico & Friends”, spécifiquement blues. Lors de ses visites américaines, il se voit offrir l’occasion de croiser le fer avec des pointures telles que Billy Branch, Willie Kent, Cash McCall, Vance Kelly, Jimmy Johnson, Eddie C Campbell, Luther Allison et son idole James Cotton, auprès desquels il poursuit son apprentissage. C’est depuis Minneapolis qu’il enregistre en 97 son tout premier album, “C’est Si Bon”, suivi l’an d’après de “My Kind Of Blues” (avec les musiciens de RJ Mischo), qui paraît chez Dixiefrog. Une bonne douzaine d’autres suivront (la plupart sur le même label). Unanimement reconnu en tant que maître de l’harmonica, Nico s’est dernièrement piqué de s’accompagner aussi à la guitare (à l’instar de Charlie Musselwhite sur son récent “Mississippi Son”), et c’est avec cet instrument qu’il s’exprime donc aussi sur la moitié de ces douze nouveaux originaux, tous de sa plume (à l’exception de deux titres co-signés avec son ami Neal Black). Ce nouveau répertoire est inspiré du récent séjour qu’il effectua sur un house boat en planches et en tôles posé au bord d’une route agricole, en plein cœur du Mississippi. Essaimant de ce point de chute jusque dans les clubs des environs, Nico s’y est immergé dans les pas de figures iconiques telles que les regrettés RL Burnside, Fred McDowell et consorts, et de retour dans son fief à Pau, y a battu le rappel de la formation qui l’avait accompagné pour son récent hommage à James Cotton. Outre le guitariste Michel Foizon, on retrouve donc à ses côtés le bassiste Rémi Grangé, le batteur Romain Gratalon et le claviériste Jean-Pierre Legout, augmentés de la section de cuivres que pilote le trompettiste Pascal Drapeau, épaulé du tromboniste Sébastien Iep Arruti et du saxophoniste ténor Cyril Dumeaux. S’ouvrant sur le “Memphis” qu’il chante a capella (en y alternant de savoureux choruses d’harmo roots à souhait), ce disque enchaîne sur un “Wanna Try Somebody” au riff et au pattern manifestement hérités des grands Howlin’ Wolf et Hubert Sumlin. Passé à la guitare, Nico y introduit les cuivres qui chauffent ce titre à blanc, tandis qu’il y échange ses licks avec Foizon. “Valentine” le ramène à son instrument initial, sur un entraînant diddley-beat à la Johnny Otis où les cuivres ne le lâchent pas d’une semelle. Le low-down shuffle “Mr. Bartender” nous entraîne sur les traces de Cotton et de son patron Muddy Waters, plus haut encore à Chicago. Repassé aux six cordes, Nico s’y laisse emporter par des cuivres qui lui soufflent dans les voiles, comme le faisaient ceux qui présidaient jadis aux premiers pas du jeune Otis Rush chez Eli Toscano. Et tant qu’à arpenter les clubs de la Windy City, l’up-tempo “Make It Count” sonne comme la version de “Just Your Fool” par Little Walter, auquel semble rendre hommage l’harmo dont Nico ne se départit jamais longtemps. Le sustain de la guitare qui entoure “Annie” épouse le beat buté du Hills County d’où furent issus les Burnside, Kimbrough et T-Model Ford, avant que les cuivres ne rentrent en force sur le languide “I Was Wrong”, mid-tempo dans la veine du “Thrill Is Gone” de B.B. King. Les arrangements de Pascal Drapeau s’y révèlent particulièrement pertinents, tandis que les soli de guitare et d’harmonica y sont des plus inspirés: assurément l’une des plages saillantes de ce recueil. Détour salutaire par New-Orleans, “Let The Boys Have A Go” est un de ces irrésistibles second-line beats chaloupés et dansants dont la Crescent City s’est de tout temps fait la spécialité, et les cuivres et l’orgue s’y donnent à cœur-joie. Co-signé avec l’expatrié américain dans nos contrées Neal Black, “Jesse James” accomplit l’exploit de proposer un pattern lancinant à la RL Burnside tout en l’assaisonnant de cuivres épiques! Sur un motif de guitare ouest-africain, “Greyhound” développe une tournerie hypnotique au fil de laquelle la rythmique démontre toute sa versatilité. Le Chicago-shuffle “Never Too Old” nous ramène en terrain connu, et Gratalon y démontre combien la science des regrettés Elgin Evans et Fred Below n’a plus de secret pour lui, tandis que Legout pilonne son piano à la manière de Pinetop Perkins, et que Nico y souffle sur les braises à la manière de Cotton. Cet excellent disque se referme sur “Every Town”, Mississippi Delta blues que Nico interprète seul de la voix et des six cordes, à la manière de John Lee Hooker. Sans doute l’une de ses meilleures productions, et aussi l’une de ses plus personnelles à ce jour.
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, November 4th 2024
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