THE NICK MOSS BAND feat. DENNIS GRUENLING – Get Your Back Into It!

Alligator / Socadisc
Blues
THE NICK MOSS BAND feat. DENNIS GRUENLING - Get Your Back Into It!

Après avoir auto-produit ses douze premiers albums (sur son propre label, Blue Bella), le guitariste et chanteur Nick Moss s’est associé voici six ans déjà à l’harmoniciste Dennis Gruenling pour créer l’un des plus convaincants équipages guitare-harmonica depuis Sonny Terry & Brownie McGhee, Buddy Guy & Junior Wells et Rick Estrin & Charlie Baty. Pour leur troisième livraison en commun depuis leur signature sur le label de Bruce Iglauer (en 2018), nos deux larrons n’en ont pas moins préservé leur souci d’indépendance, enregistrant et produisant eux-mêmes ces 14 nouveaux originaux depuis le propre studio de Nick à Chicago (alors que ses deux prédécesseurs furent quant à eux produits par Kid Andersen). Avec le claviériste Taylor Streiff, le contrebassiste brésilien Rodrigo Mantovani et le batteur Pierce Downer, les deux co-leaders peuvent compter sur de puissants amortisseurs, auxquels se joignent les saxophones bienvenus de Gordon Beadle et l’orgue de Brother John Kattke (sur un seul titre). Au programme, que des originaux certes, mais avec pour chacun d’entre eux des références directes à l’âge d’or du blues et du rhythm n’ blues. Ainsi du “The Bait Is In The Snare” qui ouvre avec panache les festivités: on s’y trouve d’emblée transporté en ces temps bénis où Roy Brown, Wynonie Harris, Eddie Vinson et les frangins Joe et Jimmy Liggins enflammaient les dance-floors californiens avec leur jump préfigurant alors de près le rock n’ roll. L’instrumental “Out Of The Woods” (où l’orgue de Kattke et les anches de Sax Gordon se taillent la part du lion),”It Shocks Me Out” et le “Man On The Move” que compose (et chante) Gruenling s’inscrivent dans la même ligne, tandis que “Aurélie” accuse par ailleurs une sérieuse dette envers Slim Harpo (tout en citant quelques formules basiques dans notre langue de Molière et Benoît Poelvoorde). Gruenling ne pouvait manquer d’y pasticher le style caractéristique de Lazy Lester, de même que Moss celui de Ligthnin’ Slim. La plage titulaire est un Chicago Shuffle  qui rend un hommage collectif à Jimmy Rogers et Muddy Waters (pour Nick), James Cotton (pour Dennis) et Pinetop Perkins (via Taylor). Inutile de préciser que l’on y est transporté en plein South-Side au cœur des fifties, et que l’on s’y ébroue avec le plaisir non simulé d’un goret dans sa bauge! Encore plus caractéristique du style de McKinley Morganfield, le languide “Living In Heartache” est scrupuleusement démarqué des patterns de slide caractéristiques du Maître, et tandis que Nick y fait scintiller son bottleneck, Dennis y ravive les ombres des regrettés Big Walter Horton et Carey Bell, dans le même esprit que Jerry Portnoy et Mark Hummel une génération plus tard. “Choose Wisely” est un pastiche plus qu’accompli de la période Imperial de T-Bone Walker (ce qui n’empêche pas Gruenling d’y exécuter un solo dans la veine de l’un de ses propres modèles, George “Harmonica” Smith). Seconde composition de Dennis, “Your Bark Is Worse Than Your Bite” est un boogie péri-urbain dans la veine de John Lee Hooker, tel que revisité voici un bon demi-siècle par ces dévots de Canned Heat. Faut-il spécifier que l’instrument à lamelles y déclenche quelques départs de feux, qu’attisent la contrebasse de Mantovani et les balais de Pierce? Et tant qu’on se prend à évoquer les spectres du tandem Bob Hite & Alan Wilson, “Losing Ground” n’aurait pas déparé leur historique album intitulé “Boogie With…” (Moss y endossant le brassard de Vestine, tandis que Gruenling y incarne à lui seul les deux souffleurs fondateurs). Depuis le “Chitlin’ on Carne” de Junior Wells et le “Cherry Pink And Apple Blossom White” des Fabs T., on ne semble plus envisager un LP blues sans aucun mambo ou cha cha, et c’est le rôle que tient ici l’instrumental latino “Bone’s Cantina” (citant même  la “Cucaracha”!). Mené de front par le riff de guitare de Moss et les entrelacs des ivoires de Streiff, “Lonely Fool” paraît estampillé Junior Wells partout, alors que le funky “The Solution” est dédié à Jimmy Johnson, ce géant de la Windy City qui nous a récemment quittés (et qui, tel Albert King, teinta sa vie durant son blues de ces nuances). C’est sur l’instrumental surf n’ twist délicieusement rétro “Scratch ‘n’ Sniff” que nos amis referment cet album exsudant de bout en bout la gourmandise, la joie et la complicité (Sax Gordon et Moss s’y tirant la bourre comme sur le générique d’un film de Tarantino). Entre Chicago blues et West-Coast swing, il faudrait être sourd ou salement blasé pour s’en priver.

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, July 9th 2023

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