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Nick Finzer est désormais un habitué de nos colonnes, et pour cause. À maintes reprises, le tromboniste et compositeur a livré une musique d’une profondeur et d’une constance remarquables. La dernière fois que nous parlions de lui ici, c’était à l’occasion de la sortie en 2023 de Legacy, un enregistrement qui confirmait sa réputation de compositeur inventif et de voix instrumentale puissante. Aujourd’hui, Finzer franchit un nouveau cap audacieux: son premier enregistrement pour big band. Un pas qui surprend autant qu’il semble inévitable, et qui, fidèle à son approche, aboutit à un album difficile à enfermer dans une case, mais qui confirme la place singulière qu’il occupe dans le paysage actuel du jazz.
Finzer n’aborde pas le format du grand ensemble avec timidité. Au contraire, il s’y engage pleinement, écrivant avec une assurance qui trahit des années d’écoute attentive, d’étude et d’expérience vécue. Comme il l’a lui-même confié, ce projet n’a jamais été un calcul, mais plutôt le fruit d’une maturation naturelle : une accumulation de pièces et d’arrangements qui ont fini par s’imposer comme un véritable corpus destiné au big band. L’ombre de Duke Ellington plane ici, non seulement comme modèle d’élégance orchestrale, mais surtout comme rappel de ce que signifie écrire pour des musiciens, et non simplement pour des instruments. Finzer prolonge cette leçon avec une originalité marquée, projetant son timbre de trombone clair et cuivré dans une identité d’ensemble à la fois profondément enracinée et entièrement personnelle.
La liste des musiciens convoqués a des allures de «qui est qui» de la jeune scène new-yorkaise, des artistes qui apportent énergie et précision à chaque mesure. Parmi eux, le saxophoniste Lucas Pino se distingue, non seulement comme collaborateur de longue date, mais aussi comme une voix instrumentale dont la discographie personnelle mériterait d’être plus largement reconnue. Ensemble, ils forment une unité capable de porter le poids de l’histoire du jazz tout en la projetant dans le présent avec force.
Les orchestrations de Finzer regorgent de contrastes, éclats de cuivres incandescents suivis de passages d’une délicatesse chambriste, lignes qui s’enroulent les unes aux autres avant de se déployer en chorales éclatantes. On y décèle des échos de Mingus dans la façon dont il chorégraphie les mouvements au sein des sections, et peut-être un peu de Thad Jones dans la chaleur inattendue de certaines mélodies. Mais l’équilibre qu’il parvient à maintenir, entre sa voix propre et celle du collectif, révèle un sens de l’écriture d’une rare finesse.
Parmi les nombreux moments forts de l’album, We the People occupe une place particulière. Conçu à l’origine en 2016 dans le climat tendu des élections américaines, le morceau a ensuite été arrangé par Jack Courtright, l’un des plus brillants anciens étudiants de Finzer à l’Université du North Texas. La pièce traduit à la fois le désespoir et la détermination: Finzer se souvient de ces jours d’après-élection à New York comme «parmi les plus sombres dont je me souvienne», mais la musique dégage une espérance tenace, affirmant le pouvoir des communautés à se rassembler et à défendre des institutions qui servent plutôt qu’elles ne trahissent. En 2025, ce message reste d’une brûlante actualité.
Il existe une longue tradition du jazz comme expression politique, comme voix de la conscience collective, rappelant que la musique peut, et doit, nous élever. La contribution de Finzer s’inscrit pleinement dans cette lignée. Refusant les voies faciles, il recherche une architecture mélodique à la fois rigoureuse et souple, un univers sonore qui reconnaît le passé sans s’y laisser enfermer. Le résultat est une musique à la fois classique et contemporaine, sérieuse dans son intention mais joyeuse dans son déploiement.
Écouter cet album n’est en rien une expérience passive: il exige volume, attention et disponibilité pour se laisser emporter par l’ampleur d’un big band en pleine envolée. Au final, ce n’est pas une musique d’ambiance, mais un événement, une déclaration, une démonstration éclatante de ce que le grand ensemble peut encore signifier en 2025. Et si cette année semble inspirer les artistes de tous horizons à se surpasser, Nick Finzer ne fait pas exception. Son nouvel enregistrement pour big band comptera très certainement parmi les plus beaux albums de grande formation de 2025, confirmant qu’il est, plus que jamais, un artiste pour qui la croissance et la réinvention vont de soi.
Thierry De Clemensat
Member at Jazz Journalists Association
USA correspondent for Paris-Move and ABS magazine
Editor in chief – Bayou Blue Radio, Bayou Blue News
PARIS-MOVE, August 24th 2025
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August 25, 2025: Dizzy’s Club, Jazz at Lincoln Center, NYC
Sets at 7 PM & 9 PM
Musicians :
Saxophones:
● Michael Thomas (Alto 1)
● Jordan Pettay (Alto 2)
● Lucas Pino (Tenor 1)
● Evan Harris (Tenor 2)
● Tony Lustig (Baritone Sax)
Trumpets:
● Augie Haas (Lead)
● Anthony Hervey
● Nadje Noordhuis
● Chloe Rowlands
Trombones:
● Rob Edwards (Lead)
● James Burton III
● Sara Jacovino
● Altin Sencalar
Rhythm Section:
● Alex Wintz (Guitar)
● Glenn Zaleski (Piano)
● Dave Baron (Bass)
● Jimmy Macbride (Drums)
Track Listing :
Say When
The Guru
Lament
We The People
Again And Again
Just Passed The Horizon