Neal Black & The Healers – Sometimes The Truth

Dixiefrog / Harmonia Mundi
Blues

Dès les toutes premières notes du premier titre, ‘New York City Blues’, on sent, on sait déjà que cet album va survoler bon nombre de galettes écoutées depuis des mois. Dès les premières notes de guitare on est plongé dans une ambiance moite dans laquelle l’harmo de Nico Wayne Toussaint semble émerger du brouillard. La voix rayée de Neal Black et sur laquelle traînent des tonnes de graviers, vous file d’entrée le gros frisson, à la manière d’un Tom Waits qui vous enveloppe dans son univers si personnel.

Le texan installé désormais en France après notamment un passage de trois années au Mexique au début de ce millénaire, remet le doigt et la voix sur ‘son’ Amérique, en allant de New York à Dallas, en passant par le Mississippi et le Texas.
Le bonhomme a incontestablement affuté son écriture et les paroles de ses chansons vous touchent en plein cœur car Neal vous raconte ce qu’il ressent, ce qu’il pense, ce qui rugit au fond de lui. C’est personnel et donc poignant, bourré d’une émotion non cachée et qui déborde même sur les instrumentaux. Sans paroles, ces pièces uniquement musicales vous font vibrer la corde sensible jusqu’à vous faire rêver de nouvelles perspectives, de nouvelles destinées.

Devenu un incontestable songwriter, Neal Black traverse de ses mots la ‘pomme’, la ville de New York qui rend barge et dans laquelle il s’était installé dans les années 90. Il vous dépeint également de manière incisive la guerre de la drogue à la frontière mexicaine, la douce folie qui conduit des gens à brûler la vie par les deux bouts, quand ce n’est pas le destin qui en cloue d’autres sur place, à Dallas.
Chanson d’une intensité rare, ‘Sometimes The Truth’, qui d’ailleurs donne son titre à cet album, vous pousse à réfléchir sur cette vérité que l’on oppose à un mensonge protecteur qui permet de cacher des choses, pour peut être mieux nous aider à vivre, alors que la vérité, froide comme un pistolet posé sur la tempe, fait peur, fait reculer, nous fait tourner le dos à ce que l’on n’a pas envie de voir en face.

A l’instar de cette chanson, tout l’album est d’une qualité d’écriture étincelante qui donne une dimension encore supérieure aux compos sur lesquelles on retrouve les fidèles ‘healers’ tels Kim Yarbrough à la basse, Vincent Daune à la batterie et Mike Latrell aux claviers.
Les cinq premiers titres ayant été enregistrés chez Popa Chubby, il était inévitable que le Bad Boy vienne se pointer, chantant en duo avec Neal sur trois titres et cosignant un des titres de cet album.
Mais là où l’on sent qu’il s’est véritablement passé quelque chose de grand sur l’enregistrement de cette première partie de l’album, c’est que sur ‘New York City Blues’, par exemple, le Popa a délaissé sa guitare électrique pour jouer non pas du tambourin, mais du shaker, et de la guitare acoustique rythmique. Comme si la complicité qui lie Neal et Popa depuis les années 80 avait transformé notre Bad Boy en Genius Boy.
Côté enregistrement aux States, on retrouve avec plaisir la section rythmique du Popa, avec A.J. Pappas à la basse et Steve Holley à la batterie, tandis que quelques invités tels Mason Casey, Fred Chapellier ou encore Nico Wayne Toussaint marquent de leur empreinte l’ensemble de l’opus.
Un opus que vous n’oublierez pas de glisser dans le lecteur de votre ordi, non plus, car comme tant d’autres albums du label Dixiefrog, celui-ci comporte également son ‘bonus’, un très beau clip de ‘Sometimes The Truth’.
Un opus qui marque incontestablement ce début d’année, qui consacre un grand, un très grand songwriter, et qui finira sans nul doute dans le Top 5 des tous meilleurs albums 2011.

Frankie Bluesy Pfeiffer
Paris-Move, Blues Magazine (Fr), Blues Matters (UK)

 

Seul un gars qui a séjourné dans les geôles de San Antonio, Texas, et quel qu’en soit le motif, peut chanter le blues de cette manière-là…! Et croyez-moi que notre lascar en connaît un rayon en la matière. Cela commence d’ailleurs très fort, dés le premier titre de la galette, avec ‘New York City Blues’. Et puis comme une bonne chose n’arrive jamais de manière isolée, les substantifs élogieux concernant le premier titre valent pour l’intégralité de l’opus, puisqu’il n’y a rien à jeter de l’ensemble aligné ici. Qu’il s’agisse des quatre instrumentaux ou des neuf blues-rock chantés par Neal lui-même ou secondé par Popa Chubby et Mason Casey, puisque ces derniers font partie des invités qui viennent renforcer l’armée habituelle des ‘guérisseurs’ du texan, tout est prétexte à se trémousser sur les tabourets des bars les plus animés. Avec à la clef un superbe texte d’une lucidité aveuglante sur la ville où tout commença autrefois.

L’ouvrage contient deux chapitres distincts. Le premier comprend cinq morceaux captés à New York où les musiciens qui entourent Neal ont pour nom Popa Chubby aux guitares, Mason Casey à l’harmonica, A.J. Pappas à la guitare basse et Steve Holley à la batterie, tandis que le second chapitre fait intervenir d’autres grands musiciens comme Fred Chapellier à la guitare, Nico Wayne Toussaint à l’harmonica, sans compter le bassiste Kim Yarbrough, le batteur Vincent Daune et enfin Mike Lattrell aux claviers. Un second chapitre enregistré en France, dans la ligne du premier, proposant ainsi un ensemble homogène et de très grande qualité sonore.

Neal excelle autant aux guitares conventionnelles qu’à celle avec résonateur ou celles jouées en open tuning. Avec la voix éraillée du texan, cet album a quelque chose de particulier car il réalise la fusion entre des riffs et des sons blues, à la façon des sixties, avec des sonorités et des rythmes tournés vers le troisième millénaire dans lequel nous avons les deux pieds.
En bref, une galette qui vient à point nommé réconcilier l’humanité avec le genre musical en question et qui permettra aux passionnés de la musique bleue d’ajouter une pépite de plus à leur collection déjà fournie!

Dominique Boulay
Paris-Move & Blues Magazine
Neal Black