NATHAN BELL – Red, White And American Blues (It Couldn’t Happen Here)

Need to Know
Americana
NATHAN BELL - Red, White And American Blues

Bien que certaines analogies avec des icônes réputées aussi inaccessibles que Townes Van Zandt, Guy Clark, John Prine ou le récemment nobélisé Robert Zimmermann vous effleureront forcément l’esprit (comme les tympans), vous n’avez probablement jamais croisé auparavant d’artiste de la trempe de ce Nathan Bell. Établi dans le Tennessee, ce dernier n’est autre que le rejeton du fameux poète de l’Iowa, Marvin Bell. Tout petit, Nathan voyait donc défiler à la maison des sommités telles que Kurt Vonnegut, de passage pour discuter littérature avec son géniteur. Mais au lieu de se résoudre à prendre la plume pour tenter d’embrasser l’intimidante carrière paternelle, Nathan commença par s’immerger dans l’art de songsters tels que Lightnin’ Hopkins, Sonny Terry et Brownie McGhee, tout en piochant goulûment dans l’imposante bibliothèque familiale. Bien que parvenu assez tôt à une prometteuse maturité artistique, il ne se résigna pourtant pas d’emblée à devenir musicien professionnel, considérant le niveau de corruption que présentait à ses yeux le music business, et préféra exercer divers emplois alimentaires une quinzaine d’années durant. Son tout premier enregistrement (“Black Crow Blue: An American Album”) ne parut donc qu’en 2011, tandis que l’avènement de son dernier en date (celui-ci) fut retardée par la survenue de la pandémie actuelle. Bien que plusieurs des plages qui le composent datent d’avant l’accès d’un certain Donald à la Maison Blanche, son sous-titre (en référence au roman uchronique de Lewis Sinclair) en désigne clairement les thèmes: les menaces pesant sur la démocratie, dans un pays aussi fracturé que l’Amérikkke contemporaine. Et ce que dépeignent ses lyrics donne assurément froid dans le dos: tandis que “American Gun” et “Mossberg Blues” y rappellent l’omnipotence du lobby des armes, “American Blues” stipule qu’en Alabama, on peut toujours descendre un Noir pour lui apprendre à oser arpenter la rue en plein jour (et aussi que “comme on n’y enseigne pas les chiffres, on n’y trouve pas non plus grand chose sur quoi compter”!), tandis que “Wrong Man For The Job” dénonce l’égoïsme, le cynisme et l’avidité de la nature humaine, et “Running On The Razor” les ravages de l’inculture chez les prolétaires (dont “Monday, Monday” résume la condition, sur un obsédant caquètement de wah-wah façon Robin Trower). La plupart de ses chansons fonctionnent par paraboles: ainsi, tout en prétendant évoquer Lightnin’ Hopkins, “Retread Cadillac” traite aussi de la rédemption au sens large. Qu’il dédie à son défunt père le poignant “A Lucky Man” (où il ne semble pourtant décrire que sa propre condition de musicien itinérant), ou tente de minimiser sa crainte de la mort en en décrivant les multiples avantages sur le désopilant “When You’re Dead”, l’ironique sagacité de Nathan Bell pourrait suffire à l’établir en tant que poète conséquent. Il serait pourtant regrettable de le réduire à ce seul talent, tant celui de musicien s’avère tout aussi impressionnant. Dès l'”Angola Prison” introductif, sa guitare aux mélismes celtiques s’adosse au swamp beat buté qu’y impriment les baguettes d’Alvino Bennett, tandis que son harmonica en appelle aux échos des grands espaces. L’orgue soyeux et le piano délicat qui soutiennent le sombre “American Gun” (premier des trois titres où Nathan duettise avec la grande Patty Griffin) contribuent à ériger ce titre en hymne contestataire intemporel, tandis que le mambo beat d'”American Blues” (entre Tom Waits et Dr. John) en accentue l’acerbité, et que le talking blues de “Retread Cadillac” se trouve rehaussé des contre-chants gospel de Regina McCrary (dans la veine du “If Dogs Run Free” de Dylan, tout comme l’imparable “Zensuit Sahmadi’s Blues”). Patty Griffin est de retour sur “A Lucky Man” et “To Each Of Us”, dont les arpèges et les harmonies vocales représentent (autant que les paroles) deux des nombreux sommets de cette collection, tandis que le jubilatoire boogie électrique de “Wrong Man For The Job” renvoie à la geste du regretté Calvin Russell, que “When You’re Dead” emprunte autant à Woody Guthrie qu’à ce brigand de Ramblin’ Jack Elliott, et “Mossberg Blues” à Randy Newman. Un grand disque, dont nous vous recommandons la découverte au plus vite (tant ce type de perles s’épuise rapidement).

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, September 17th 2021

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Nathan Bell entamera une tournée en Grande-Bretagne du 30 septembre au 15 octobre prochains.
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Nathan Bell – Jesus of Gary, Indiana, Acoustic Alley, Den Haag, 07/04/17:

Nathan Bell, Live and Raw in Edinburgh, 2017 from the Love is greater than Fear Tour (3 Songs!):