NATALIA M KING – Woman Mind Of My Own

Dixiefrog / Pias
Americana, Blues, Soul
NATALIA M KING - Woman Mind Of My Own

Pour reprendre le flambeau d’un label, il ne suffit pas d’être à même d’en exploiter le back-catalogue. Cela, n’importe quel boutiquier issu de la première école de commerce peut s’en avérer capable. Mais pour en perpétuer la flamme, il faut pouvoir mobiliser des capacités d’un ordre supérieur. Dans le langage artistique, ça s’appelle la truffe. Le genre d’intuition qui permit à Joe Boyd de croire en cet autiste de Nick Drake, à Jac Holzman de discerner au tréfonds d’un club de strip du Sunset le potentiel phénoménal des Doors, ainsi qu’à Mark St. John de filer le train à ce ramshackle permanent qu’instauraient les Pretty Things à leur apogée. Et dans le cas de Natalia M King, André Brodzki et François Maincent, les nouveaux patrons de Dixiefrog, ont bel et bien décroché la timbale. Cette artiste, réputée aussi farouche et indomptable qu’imprévisible (en un mot, caractérielle – du moins selon les critères normatifs d’un music-biz désormais réglé de longue date par des comptables ampoulés), se trouvait une fois de plus en rupture de contrat. Sa précédente livraison datait de 2016 (une éternité, au regard des cadences actuelles), et de surcroît sur un label dont le nom résumait à lui seul tout le problème (Challenge Records)… Il n’en faut pas moins à d’aucuns pour se voir durablement relégués au rayon has-beens, mais l’amazone amerloque aux racines dominicaines n’en avait cure. Elle savait qu’elle avait trouvé en Fabien Squillante (producteur et guitariste émérite de cet album-ci) le vecteur ad hoc du feeling qui l’habite depuis l’épiphanie qu’elle éprouva à la vision du “Soul Of A Man” de Wim Wenders. Tombée en pamoison devant Skip James (telle Paul de Tarse sur le chemin de Damas), cette iconoclaste (qui se destinait pourtant à réfuter toute affiliation à la moindre tradition formelle) entreprit d’entrer en soul, en jazz et en  blues comme d’autres en religion. En la matière, il faut distinguer ceux qui en font spectacle de ceux qui les pratiquent comme un art (un peu comme du catch au regard de la lutte gréco-romaine). Ici, les sommets abondent, mais selon des modes plus identifiables que jamais. Ainsi de la plage titulaire (entre Robert Johnson et Fred McDowell), à grand renfort de picking et de slide acoustique, ou de ce duo soul avec un Grant Haua too Wilson Pickett to be true (“Lover You Don’t Treat me No Good”), ou encore de la fière revendication LGBT que s’avère “Aka Chosen”, dans la veine folk d’une Tracy Chapman. Qu’elle reprenne le poignant “Pink Houses” de John Mellencamp (avec cet autre expatrié magnifique que demeure notre Elliott Murphy), ou qu’elle se love dans les soyeux draps de satin des regretté Sam Cooke et Aretha Franklin (sur la terrassante soul ballad “Forget Yourself”, avec sa descente de cuivres façon Muscle Shoals sous ascendance Dan Penn et Jerry Wexler), voire qu’elle s’enhardisse à épouser la geste de Skip James sur le dépouillé “So Far Away”, ou encore celle de Patsy Cline sur le languide “Sunrise To Sunset”, Natalia demeure toute aussi impavide que lorsqu’elle convoque les fantômes de Jeff Buckley et Jeffrey Lee Pierce à escorter celui d’Amy Winehouse parmi les miasmes putrides d’un swamp où claudiquent de concert l’accordéon de Noir Désir et la slide hantée de Ry Cooder (l’épique “Play On”), juste avant la lumineuse et hédoniste cover du “One More Try” de George Michael. Toujours aussi intransigeante qu’inclassable, Natalia M King sure got soul.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, September 27th 2021

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Attention chef d’oeuvre à l’état pur! C’est une vraie pépite que nous avons entre les oreilles. Fille d’Ella Fitzgerald, de Nina Simone et de tant d’autres, c’est tout naturellement que Natalia M. King vous terrasse dès les premières notes. Spécifions tout de suite qu’elle est magistralement accompagnée par un Band formidable: Fabien Squillante (Slide Guitar, basse, guitares acoustique et électrique, percussions et choeur), Ismaël Benhabyles (claviers et percussions), Rémi Vignolo (batterie), Kania Allard dans les choeurs, plus un certain nombre d’invités renommés: Vincent Peirani à l’accordéon, Raphaël Ducasse à la basse et contrebasse, et une section cuivre composée d’Olivier Bridot à la trompette, Vincenty Renaudineau au trombone, Sylvain Sly Fetis et Jonas Muel au sax ténor. Natalia a participé à la composition de 6 morceaux sur 9 que contient l’opus. Signalons une reprise de John Mellencamp, “Pink Houses”, sur laquelle Elliott Murphy chante et joue de l’harmonica, une composition de Dan Pritzker, membre de Sonia Dada, formation native de Chicago qui enregistra 5 albums studios et un Live dans les années 90, et qu’elle interprète avec Grant Haua qui chante et joue de la guitare, et son interprétation de George Michael, “One More Try”.
Du Blues, du Gospel, du Rhythm & Blues façon Otis Redding, de l’Americana, des morceaux qu mériteraient de figurer dans le grand Livre de la Chanson américaine et j’en passe. Une galette qui s’usera inévitablement car on va s’en servir et la passer en boucle pendant un moment! C’est le septième album de cette grande Dame, le premier dans lequel elle choisit de chanter le Blues. Cela ne doit surtout pas vous empécher de rechercher les albums précédents et de vous en abreuver jusqu’à plus soif!

Dominique Boulay
Paris-Move & Blues Magazine (Fr)

PARIS-MOVE, November 4th 2021

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