MUDDY GURDY – Homecoming

Chantilly Negra
Blues
MUDDY GURDY - Homecoming

Ça débute comme une profession de foi, comme en attestent ces “Lord Help The Poor And Needy” de Jessie Mae Hemphill, “Chain Gang” de Sam Cooke et “Down In Mississippi” de JB Lenoir, ainsi que les hantés “Another Man Done Gone” de Vera Hall et “You Gotta Move” (adoubé pour la postérité à Fred McDowell par des Stones magnanimes), et la transposition quasi-fado du “Strange Fruit” popularisé par Billie Holiday. Mais cela prend aussi, et simultanément, la forme d’une intrépide transgression, car en dépit de leur fidélité manifeste, ces adaptations ne revêtent cependant nul souci d’orthodoxie. Qu’aurait en effet pensé JB Lenoir de l’irruption de rythmes nord-africains et de l’apport d’une wah-wah et d’une vielle à roue à son manifeste anti-ségrégationniste? Gageons qu’il aurait bandé à mort, pardi! Comme nous l’énonça un jour l’immensément regretté Bob Brozman, les rythmes binaires figurent parmi les expressions les plus sournoises de l’oppression et de la dictature: quelle différence fondamentale entre le disco-beat et les marches militaires, en somme? Essayez de dissocier votre démarche de leur rythme borné dans une zone commerciale, et vous commencerez à comprendre… Ce hiatus, Laetitia “Tia” Gouttebel le sait d’intuition depuis ses tout débuts. Après être allée s’imprégner des roots du Northern-Hills Country Blues des regrettés Junior Kimbrough, RL Burnside et Jessie Mae Hemphill, elle en a déduit la conclusion quintessentielle: on ne peut réellement s’affranchir du mainstream ambiant qu’en puisant au plus profond de ses propres racines. Les siennes résidant au cœur du Massif Central, il ne résultait de choix plus intègre que d’y retourner, et c’est tout le sens du titre de cet album. Relocalisé dans notre terroir viticole depuis plus de trois décennies, le grand Robert Crumb n’a cessé depuis d’en valoriser le patrimoine, que ce soit au sein des Primitifs Du Futur, ou en exhumant l’héritage du folk local et du musette-swing du trop oublié Gus Viseur. C’est une démarche similaire qui guide désormais Muddy Gurdy, le trio qu’elle forme avec le percussionniste Marc Glomeau et le vielliste à roue Gilles Chabenat. Et cette rencontre entre folklores (au sens le moins péjoratif du terme) se manifeste selon les meilleurs auspices au fil de ces “Land’s Song”, “Afro Briolage” (où la slide de Tia tranche dans le vif sur une effrénée transe gnawa), “MG’s Boogie” (avec son pont en bourrée auvergnate revendiquée) et “You Gotta Move”, où la vielle à roue emprunte des tourneries celtiques pour en perpétuer l’immanente vérité. Il faut souligner que, bien que guitariste émérite et reconnue en tant que telle depuis ses débuts, Tia Gouttebel n’a sans doute jamais mieux chanté qu’ici. Sur “Lord Help The Poor And Needy” et le presque a-capella “Black Madonna”, elle se révèle une éblouissante gospel singer. Musique de confluents dès son origine, ne laissez donc quiconque dénier à cette rondelle le titre d’album blues de l’année. Un pic, un sommet, que dis-je, un promontoire… Wow!

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, March 30th 2021

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