Mr TCHANG BLUZ EXPLOSION – Time To Move

Bluztrack Productions
Blues
Mr TCHANG BLUZ EXPLOSION - Time To Move

Mieux connu sous le pseudonyme de Mister Tchang, Samuel Audrix est un guitar-slinger et chanteur du Sud-Ouest de notre Hexagone, qui sévit depuis près d’un quart de siècle sur les scènes européennes. Que ce soit auprès d’artistes tels que Sandra Hall, Super Chikan, Nico Wayne Toussaint ou Malted Milk, au sein de ses propres formations (Easy Money, Footstompers, Fuzz Candy et le sextette Tribute To The Kings), ou parmi les French Blues All Stars (récemment rechapés en European Blues All Stars, avec le renfort du guitariste italien Luca Giordano et du multi-instrumentiste espagnol Victor Puertas), les spectateurs de festivals tels que Cognac Blues Passions, Blues Sur Seine, Grésiblues, Salaise ou Grande-Synthe (Bay-Car Blues) connaissent son tempérament expressif et généreux. En dépit d’une relative homonymie avec le trio que dirige Jon Spencer, son nouvel album en tant que leader n’en partage guère le caractère iconoclaste, puisque l’on retrouve à ses côtés la fidèle rythmique des All Stars (Antoine Escalier et Pascal Delmas), augmentée du saxophoniste Sylvain Tejerizo et de Victor Puertas (qui alterne aux claviers et à l’harmonica). Dès “Ain’t Superstitious”, le Hammond B3 de ce dernier emplit l’espace, conférant à cette plage d’ouverture une incontestable touche soul sudiste. Le solo qu’y prend Sam déploie l’éventail de ses références, entre Buddy Guy, Albert Collins et le non moins regretté Jimmy Dawkins. Tandis que l’orgue lui répond en rugissant, le saxophone de Sylvain conclut en beauté, avant d’introduire le funky “Louise”, dans la veine du “I’ll Play The Blues For You” du grand Albert King. Il va sans dire que le solo de guitare s’accorde à ce contexte, tandis que l’orgue de Puertas y fait à nouveau des étincelles, et que la rythmique qu’y impriment Antoine et Pascal collerait des fourmis dans les jambes à un macchabée. Changement de registre avec “Come On Lover”, que l’on jurerait extrait d’un album de Buddy Guy et Junior Wells. L’harmonica et le piano de Puertas y servent à merveille ce Chicago stomp dans la veine des combos de Jimmy Rogers et Sammy Lawhorn. Il n’est guère étonnant que ces sessions (produites par Arnaud Fradin, leader de Malted Milk) exhalent un indéniable parfum rhythm n’ blues. Ainsi, de “What A World”, ondulant comme un original d’Allen Toussaint (avec le renfort de délicieuses choristes anonymes, et des ivoires louisianaises qu’y imprime Victor). Ces chœurs féminins soutiennent encore la soul ballad “I Gotta Woman”, dans l’esprit des Staples Singers (avec un Puertas de retour à la cabine Leslie et aux backing vocals). Tout en délicatesse, le solo de Samuel s’y inscrit dans la veine des grands session men de Muscle Shoals au tournant des seventies: c’est assurément l’un des sommets de ce disque, qui n’en manque pourtant guère. C’est toute pédale wah-wah dehors que s’engage ensuite le non moins funky “My Wife Is Crying”, où l’on jurerait ouïr un certain Voodoo Chile accompagner Albert King sur une version saignante de “The Sky Is Crying”, tandis que Puertas exhume un instrument dont Stevie Wonder popularisa l’usage, le clavinet. It’s mambo time ensuite, avec l’ondulatoire “The Darkness Of Your Love”, qui rappellera aux auditeurs avertis le “All Your Love” d’ Otis Rush. Plus près de l’os, le boogie “Mississippi Party” évoque pour sa part le blues hypnotique et hanté des familles Burnside et Kimbrough, tandis qu’à l’harmonica, Puertas y prend un solo d’anthologie. Retour au soul-blues pour “My Woman”, qui n’aurait sans doute pas déparé le répertoire d’un Jimmy Johnson. À nouveau funky en diable, la plage titulaire offre à Antoine l’occasion de démontrer ce qu’il a assimilé des grands bassistes soul des seventies, tandis que Sam tricote avec l’orgue de Victor une inextricable trame rythmique s’adossant à l’impeccable soul beat qu’imprime Pascal. Nul doute que derrière la console, Arnaud Fradin doit se sentir en pays de connaissance… Retour au Chicago West-Side avec ce “Oh, My Love” qu’on pourrait aisément prendre pour un inédit d’Otis Rush ou Sam Maghett. L’orgue de Puertas et les cuivres qu’y double Tejerizo s’y avèrent d’une redoutable efficacité, tandis que le solo de Tchang surplombe le tout avec la menaçante faconde d’un orage en suspens. Comme son titre l’indique, le twisting “Eddie C. N’ Jody” rend hommage à Eddie C. Campbell et Jody Williams, tandis que cuivres et piano y virevoltent en une irrésistible farandole: le genre de bamboula à faire lever un auditoire en fin de gig! Ce conséquent recueil de treize originaux se referme sur un boogaloo déchaîné, “Baby I Miss You”, entre Otis Clay et Bobby Rush. Avec l’une des plus épatantes pépites soul-blues jamais produites dans ce pays, Mr Tchang et ses complices emportent notre inconditionnelle adhésion: foncez!

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, December 6th 2021

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