MOJO BRUNO & MANNISH BOYS – Muddy Waters Project

Sweet Home Productions
Blues
MOJO BRUNO & MANNISH BOYS - Muddy Waters Project

Si l’on y inclut ses trois opus en solo, voici donc la quatorzième livraison de Mojo Bruno Metregiste depuis 1995. À ne pas confondre avec leurs homonymes californiens, ses Mannish Boys toulousains assument et revendiquent depuis toujours leur ADN métissé. Si les origines caribéennes de leur leader ont rarement cessé d’affleurer, c’est l’empreinte profonde et durable de l’un des fondateurs historiques du Chicago blues moderne que célèbre à présent ce nouvel album. Né sur la plantation de Rolling Fork (Mississippi) début avril 1935, McKinley Morganfield (alias Muddy Waters) nous a quittés voici presque quarante ans déjà, mais Bruno n’a jamais oublié ses rencontres avec ce héros, alors qu’il n’était lui-même qu’encore minot. L’une d’elles est immortalisée au dos de ce boîtier par un cliché d’époque, et c’est un clin d’œil aussi déférent qu’affectueux d’un disciple envers l’un de ses Maîtres. Qu’elles fussent de la plume même de Muddy ou de celles de Willie Dixon, Louis Jordan et Jimmy Reed, les douze adaptations ci-proposées proviennent toutes de l’ample répertoire que déroula Waters au fil de sa carrière. S’ouvrant sur une version mi-swamp, mi-South Side du “You Don’t Have To Go” de Jimmy Reed (entre Lazy Lester et Benoît Blue Boy), cette collection induit ensuite le relativement moins connu “She’s Into Something”, alternant gaillardement mambo et shuffle beat. L’harmonica de Pierre Aguesse y prend des accents proches de ceux de Mojo Buford, Junior Wells et Carey Bell (qui officièrent tous notoirement auprès du Maître), tandis que la version du “Caldonia” de Louis Jordan (que Muddy reprenait souvent en rappel) dépote effectivement façon fin de bal à Bogalusa (et l’harmo s’y octroie à nouveau la part du lion). “Gypsy Woman” épouse quant à lui les contours funky des Albert King, Mem Shannon et autres Mighty Sam McClain, illustrant au passage la gigantesque ombre portée de son auteur sur les générations qui lui emboîtèrent le pas. Au risque de nous répéter, le splendide solo d’harmo qui l’orne est à nouveau à signaler. Les références gospel de “Diamonds At Her Feet” trouvent leur écho parmi les chœurs de ses comparses (Queen Gandha, basse, Franck Levin, batterie et Blowin’ Pierre Aguesse, harmonica), alors que l’imparable et hâbleur “I Am The Blues” ne semble ici nullement usurpé. Outre la guitare et le chant, Bruno assure les parties de banjo, de mandoline et de claviers, et le “Let The Good Times Roll” de Sam Theard présage les incunables “Mannish Boy” (revisité ici façon Band Of Gypsies wah-wah) et “Louisiana Blues” (mâtiné de percussions créoles). Comme en témoignent la transposition laid-back funk de “Blues And Trouble” ou celles (fidèles au possible) de “I Want To Be Loved” et “Screaming And Crying” (slide gouleyante à l’appui), voici donc, mieux encore qu’un simple hommage, une respectueuse appropriation: “If you came to hear the blues, you’re in the right place”.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, March 10th 2022

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