Blues |
Pour leur dixième production en un quart de siècle, les MANNISH BOYS affichent une impressionnante vitalité. A ne pas confondre avec leurs homonymes californiens, ces Gascons revendiquent plus que jamais leur héritage métissé. Passé leur reprise swing du classique “One Kind Favor”, ils proposent pas moins de douze originaux, tous signés de leur leader, Bruno “Mojo” Metregiste. Lors d’un concert d’Otis Taylor, un spectateur me demanda un jour “Pourquoi parle-t-il tout le temps de politique ? C’est fatigant…”. Tout ce que je trouvai à répondre fut de lui conseiller d’arrêter d’écouter du Blues, car de quoi voulez-vous que puisse parler une musique issue de l’oppression ? D’ailleurs “Bois d’Ébène” n’est autre que l’euphémisme jadis usité par les armateurs négriers pour désigner leur cargaison d’esclaves. Cet héritage court dans les veines de tous les bluesmen historiques, comme dans celles des MANNISH BOYS. Et ça s’entend ici plus que jamais : depuis le funky “Underground Railroad” (strié de la slide fumante de Bruno) – désignant lors de la guerre de Sécession le réseau d’évasion des esclaves noirs vers les états abolitionnistes – jusqu’à la bossa chaloupée “In My Heart”, en passant par le reggae instrumental “Trouble (part 2)” et le cubano-jazz de “Matilele”, nos MANNISH BOYS témoignent d’une enthousiasmante versatilité, doublée d’une science consommée de ces genres ensoleillés. Que ce soit au dobro ou sur sa Telecaster, Mojo Bruno s’avère l’un des plus intéressants guitaristes de la scène européenne, et ses comparses rythmiques se révèlent d’une éclectique efficacité. Véritable éventail des musiques issues de la déportation africaine, ce chouette album n’en demeure pas moins ancré dans un blues des plus actuels.
.
Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder