Blues

Depuis le Mojo Band jusqu’aux Mannish Boys (en passant par ses propres albums solo), “Mojo” Bruno Metregiste (à ne pas confondre avec Maître Gims) a d’ores et déjà dépassé les douze livraisons en un quart de siècle. Natif de la région toulousaine mais d’ascendance guadeloupéenne, ce bon Bruno intègre de plus en plus ouvertement le métissage inhérent à toutes ces musiques dites afro-américaines. De Taj Mahal (“Song For Taj”, “Matouba”) à J.J. Cale (“Pa Bisoin (Karibian Wind)”), le gang dont il s’entoure procure à son jeu de guitare aérien le trampoline qui sied à son humeur chaloupée. C’est ainsi que le bassiste Phil Gal pourvoit également de savoureux steel-drums à la plage initiale et à l’hommage à Taj, et que le calypso tutoie à l’occasion la biguine (l’égrillard “Big Bamboo” ou le déhanché “Sun Gone Shine”). L’esprit lugubre de Howlin’ Wolf visite le ténébreux “Bad Night”, au climat funèbre duquel concourent l’harmonica et la slide de Bruno, tandis que le funk que pratiquaient Freddie King et Joe Louis Walker déménage au fil de “One Day”, “Message To You” et “Shining On My Mind”. La cover du “Voodoo Chile” de qui l’on sait vaut à cet égard son pesant de bretzels: sur une trame rural funk à la basse rebondie, Bruno y fait en effet scintiller sa slide jusquà l’incandescence, restituant à ce standard désormais éculé toute la sève de ses racines. Le blue beat jamaïcain berce les plages ensoleillées de “Dambala” et de l’instrumental “Mother Earth Blues” (avec le renfort bienvenu de l’orgue de Fred Teysseyre). L’occasion pour Bruno de démontrer ce que trois décennies de blues pratiqué ont enrichi son jeu de guitare d’alluvions magiques (de T-Bone Walker à Grant Green et George Benson), de même sur le jazzy “So Crazy Blues”. Un album au climat aussi lumineux que trépidant, qui confirme bien son caractère quelque peu antillais en dispensant ses sucs capiteux…

Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, March 8th 2020