| Jazz |
Un album qui promettait un renouveau, mais qui se contente de respect.
À première vue, le protocole artistique de cet album semblait porteur: insuffler une nouvelle vie à des compositions anciennes en réinterprétant des standards et des morceaux emblématiques du répertoire jazz. Cette démarche, souvent féconde, peut redynamiser tant les œuvres que les musiciens, en favorisant la cohésion de groupe et l’élan de l’improvisation créative. Pourtant, malgré ce potentiel enthousiasmant, ce qui en résulte est un album étonnamment Classique, techniquement irréprochable, certes, mais manquant cruellement de souffle neuf ou de véritable prise de risque.
Les musiciens réunis ici sont sans aucun doute de grande qualité, et leur profond respect pour les œuvres originales, celles de Coltrane, Coleman et consorts, transparaît à chaque piste. Mais l’admiration ne suffit pas à faire œuvre de réinvention. Trop souvent, ces interprétations restent fidèles à la lettre, sans jamais en explorer l’esprit plus libre. Loin de proposer une lecture nouvelle ou de poser un regard contemporain, l’album se contente de suivre les traces de ses prédécesseurs. Ironie du sort: sa plus grande qualité est peut-être de nous donner envie de retourner écouter les enregistrements originaux.
En ce sens, ce disque s’apparente davantage à une carte postale musicale, agréable, empreinte de tendresse peut-être, mais dénuée de réelle surprise. Cela est d’autant plus flagrant que, ces deux dernières années, de nombreux albums de reprises ont su faire preuve d’audace et d’ancrage dans notre époque tourmentée, apportant un regard inventif et pertinent sur le patrimoine du jazz. Comparé à ces tentatives contemporaines, cet opus apparaît figé, plus tourné vers la nostalgie que vers une relecture vivante du présent.
Mike Clark, pourtant, nous avait habitués à des œuvres plus inspirées, plus déroutantes. Son parcours est jalonné d’expériences qui ont marqué l’histoire du jazz rythmique. Sa collaboration avec le saxophoniste Michael Zilber, renforcée au fil des dix dernières années, repose sur un amour partagé du jazz new-yorkais hard-swing. Et même si Clark est originaire de la baie de San Francisco et Zilber de Vancouver, leurs racines musicales se trouvent bel et bien dans le bop énergique des années 60, incarné par Miles Davis ou John Coltrane.
C’est pourquoi ce disque pourra surprendre les auditeurs fidèles. Il donne parfois l’impression d’être un album de transition, un passage obligé entre deux projets plus affirmés. Et c’est peut-être le cas. On en veut pour preuve un morceau comme The Way Thought of You, où l’on retrouve toute la subtilité et la sincérité qui font la signature de Clark: la beauté dans la simplicité, l’intensité sans démonstration. On regrette que le reste de l’album ne suive pas cette voie. Mais les trois dernières pistes redonnent espoir: elles révèlent une section rythmique affûtée et une vision artistique plus affirmée, plus contemporaine.
Au final, cet album en demi-teinte s’écoute sans déplaisir, mais ne parvient à captiver qu’en fin de parcours. Il ne déshonore en rien les musiciens impliqués, mais ne les transcende pas non plus. On en ressort avec le sentiment que le véritable message, lui, reste à venir. Ce disque est peut-être une esquisse. Le prochain sera, on l’espère, l’œuvre aboutie.
Thierry De Clemensat
Member at Jazz Journalists Association
USA correspondent for Paris-Move and ABS magazine
Editor in chief – Bayou Blue Radio, Bayou Blue News
PARIS-MOVE, June 19th 2025
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Musicians :
Mike Zilber – Tenor Sax
Mike Clark – Drums
Jon Davis – Piano
Alex Claffy – Bass
Tracklist :
Beatrice
Blues For Chambers
I Get Along Without You
Cousin Mary
Turnaround (And Around Again)
Green Dolphin Street (Redolphined)
The Very Thought of You
Hallelujah (Secret Chords and Holy Doves)
Footprints
Credits:
Produced by Mike Zilber & Mike Clark
Engineered by Jean-Christophe Santalis
Recorded at Raw Recording Studio – Patterson, NY on October 13, 2022
Mixed and Mastered by Jean-Christophe Santalis
Graphic Design & Illustration by Christopher Drukker