MIGHTY MO RODGERS / BABA SISSOKO

Griot Blues (One Root Music / Socadisc)
Blues

En mars dernier, je dînais frugalement avec Mighty Mo Rodgers et son european band (les Italiens Luca Giordano, guitare, Walter Monini, basse et Pablo Leoni, batterie), avant leur concert dans la banlieue de Lille. À table, Mo ne tarissait pas d’éloges sur son prochain album, qui, disait-il, allait causer une énorme suprise. Je l’avoue, quand il m’annonça sa collaboration en cette occasion avec le joueur malien de ngoni et de tama Baba Sissoko, je ne fus pour ma part guère étonné. Depuis son tout premier album en 1999, l’attachement de Mo à l’Afrique, la terre originelle, est de notoriété publique. Et depuis Taj Mahal (et son album de la même année avec Toumani Diabaté), Corey Harris et le film “From Mississippi To Mali”, les coopérations transatlantiques entre bluesmen amerloques et zicos africains sont en quelque sorte devenues monnaie courante (sans mentionner Damon Albarn, Manu Chao et Mathieu Chedid, en l’occurrence hors de propos). Après le reggae “Shake’em Up Charlie” (une des marottes de Mo), “Mali To Mississippi” achève de planter le décor de cet échange culturel: sur une trame boogie à la John Lee Hooker, Baba Sissoko égrène des grappes de ngoni et de kalimba qui se mêlent sans à-coup aux licks d’harmo et de guitare (faut-il rappeler combien Giordano s’affirme chaque année davantage en tant que talent majeur de la scène blues européenne?). “Nalu (Mother)” et “The Blues Went To Africa” effectuent le match retour, ancrant davantage encore ce funk lascif sur les rives africaines. Chaque titre étant co-signé Rodgers-Sissoko, la communion entre les deux artistes s’avère le plus souvent confondante, comme sur les hypnotiques “Donke (Dance)”, “Demisenu (Children)” et “Djeli (Griot/Storyteller)”. Les feutrés “Drunk As A Skunk” et “Mo Ba” rappellent pour leur part combien J.J. Cale continue de nous manquer. À l’arrivée, une franche réussite, qui nécessitera toutefois peut-être quelques écoutes aux plus néophytes, avant de leur révéler tous ses sucs.
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Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder
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