MICHELLE DAVID & THE GOSPEL SESSIONS

It's A Soulful Christmas // Excelsior Recordings
Soul
MICHELLE DAVID & THE GOSPEL SESSIONS

Bon, je l’admets volontiers, j’appartiens comme nombre d’entre vous au Club des Cyniques (dont je m’enorgueillirais presque de détenir une carte de membre permanent), et Noël, avec son cortège d’offres promotionnelles destinées à permettre à Jeff Bezos de pouvoir bientôt s’octroyer une concession sur Mars, me soulève comme à vous le cœur. S’il devait subsister une seule exception à ce boycott légitime, ce seraient bien les Christmas soul albums. Et ce, ni par sentimentalisme ni par conformisme, mais simplement parce que depuis Darlene Love et Phil Spector, ces sordides coups marketing n’en demeurent pas moins souvent prétextes à de roboratives (bien qu’outrageusement opportunistes) publications. Si l’on se réfère à la dernière réalisation pertinente dans le genre (“It’s A Holiday Soul Party” de Sharon Jones & the Dap-Kings), mais aussi au fameux “Christmas Album” de Phil Spector (voire même à Slade et George Michael), il faudrait en effet se montrer salement bégueule pour bouder son plaisir en pareil registre. Bien qu’établis en Europe du Nord (où ils se produisent régulièrement), les Gospel Sessions, soit la chanteuse  Michelle David (originaire de Caroline du Nord) et les guitaristes bataves Onno Smit et Paul Willemsen (tous trois habitués de la scène soul funk locale, au sein de la Lefties Soul Connection), augmentés du batteur Bas Bouma, nous en proposent le dernier avatar en date. Alors que la très regrettée Sharon Jones s’exprimait en la matière depuis un triangle situé entre Hi, Stax et Atlantic, Michelle David et ses larrons commencent par arpenter le territoire Motown sacré de Diana Ross & The Supremes pour les trois premières plages (enneigées) de cet objet carillonnant (incluant notamment une relecture, aussi fidèle que convaincante, du “What Christmas Means To Me” qu’Anna et Berry Gordy avaient en leur temps concocté pour Little Stevie Wonder). Oscillant insensiblement ensuite vers le Philly Sound (avec les languides “He Came From Love” et “Snow”), le quatuor s’encanaille avec un “A Christmas Cliché Thing” mêlant Texas-swing et calypso, et un “Do The Christmas Mambo” scrupuleusement fidèle à son titre, évoquant la verve des Stray Cats reprenant le “Mellow Saxophone” de Roy Montrell, et un “Mary” embringuant Bo Diddley parmi les miasmes du swamp. Le gospel reprend in extremis ses droits (selon son acception via Aretha Franklin) avec “God Will”, avant une cover de l’intemporel “Silent Night” à la manière de celle du “White Christmas” de Bing Crosby par les Dap-Kings. À l’arrivée, un très chouette bonbon acidulé au persistant parfum de madeleine de Proust, et la démonstration qu’Amsterdam n’a désormais plus guère à envier à Brooklyn.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, December 7th 2020