Poésie

La critique semble unanime dans son oubli de Présence Humaine (2000), mise en situation sonore de poèmes de Michel Houellebecq extraits des recueils Rester Vivant (1991), Le Sens Du Combat (1996) et Renaissance (1999) par Bertrand Burgalat, fondateur du label des projets hors norme Tricatel. Le premier scande avec monotonie les vers nus de sa poésie, éloge de la banalité hantée par le mal-être et la mal-baise. Le second amène la chair à la structure froide des mots avec le groupe Eiffel, puis ce qui deviendra AS Dragon. Le projet de longue haleine, fondé sur leurs affinités esthétiques depuis 1994, est bouleversé par la starification de Houellebecq après la publication de son second roman, Les Particules Elémentaires, en 1998. Nouvelle figure médiatique ingérable en sortie d’album, celui-ci va jusqu’à planter ses musiciens sur la tournée allemande lors d’une échappée avinée en boite échangiste. Si sa poésie cynique est soluble dans le rock rétromane, elle ne sort pas pour autant du ghetto: 12.000 CD seulement trouvent preneurs. On peut pointer du doigt le déphasage avec la french touch et les DJ de l’époque, ou l’absence de référentiel depuis La Solitude, de Léo Ferré et Zoo, en 1971. D’où l’intérêt d’une révision, à l’occasion de la réédition de Présence Humaine en vinyle augmenté et rhabillé. Touriste au spleen fin-de-siècle, Houellebecq panache “Plein Eté” de quatre poèmes et se départit de son flegme pour donner plus de volume à son organe dans les parties zénithales: une agitation névrotique, improvisée sur un thème de guitare de Romain Humeau, mine cycliquement l’ordre établi avant l’explosion des refrains. L’écrivain promène également son ennui dans les trains pendulaires, le verbe précis, désinhibé, sur “Célibataires”: les harmonies y évoluent à l’intérieur d’une structure répétitive et hypnotique, canevas vicieux expérimenté par Burgalat en solo sur “(Come Potrei) Scordare” la même année. Si chaque texte est déclamé par limitation assumée, ce n’est plus le cas des singles “Le Film Du Dimanche” et “Novembre”, postérieurs (2011), chantés à la Gainsbourg et orchestrés par Jean-Claude Vannier. Avec ou sans ces bonus, s’il est un album culte, ce sera celui-là.

Jean-Christophe Baugé
BLUES MAGAZINE/ JAZZ NEWS/ LEGACY (DE)/ METAL OBS’/ CLASSIC OBS’/ PARIS-MOVE/ ROCK & FOLK

PARIS-MOVE, January 26th 2021

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Streaming de “Plein Eté”: