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Michael Wolff se surpasse une fois de plus en nous offrant son Sunny Day.
En 2024, je m’étais arrêté pour vous parler de son excellent Memoir (chronique ici). Et une fois encore, Wolff se réinvente, nous surprenant par une sorte de jeu enfantin avec les rythmes et une brillance esthétique dans la composition qui paraît à la fois neuve et évidente. Il arrive souvent qu’un album démarre dans l’intérêt puis s’essouffle dans la prévisibilité. Pas ici. Le plaisir des musiciens s’entend dans chaque morceau. Au-delà du piano sensible de Wolff, le contrebassiste séduit par des sonorités chaleureuses et enveloppantes, tandis que le batteur apporte invention et audace, complexifiant une structure qui n’a rien de banal. C’est une musique qui exige l’attention, et qui demande surtout qu’on accepte d’entrer dans la vision de Wolff.
S’inspirant de logiciels de beatmaking et de bouclage, Wolff a composé de nouvelles pièces qu’il a ensuite façonnées pour son trio dévoué: le contrebassiste Ben Allison et le batteur Allan Mednard. Le résultat s’impose dans Sunny Day, formidable exemple d’un jazz en dialogue avec lui-même, oscillant entre les racines de la tradition et l’élan de la modernité.
L’art du trio acoustique, parfois coloré ici d’une touche d’électronique, séduit justement par la profondeur sonore que ces trois musiciens savent déployer. Rien ne sonne forcé, rien ne trahit la maîtrise patiemment acquise au fil de leur parcours artistique. Il y a là une vision commune, une confiance partagée, un entrelacs d’expériences personnelles mises au service d’une œuvre unique. Et au centre, Wolff, non seulement pianiste de sensibilité et de feu, mais véritable compositeur, dont chaque nouvel album approfondit l’œuvre et renforce la voix.
Son chemin, bien sûr, n’a pas été sans épreuves. Ce trio a vu le jour alors que Wolff sortait de l’ombre d’une maladie menaçante. En rémission miraculeuse d’un cancer déclaré incurable, il est revenu à la musique soutenue par ses proches. Allison fut l’un des premiers à lui rendre visite, jouant à ses côtés tandis qu’il reprenait des forces. C’est encore Allison qui suggéra à Mednard de participer à un concert caritatif pour WBGO. Depuis, les trois sont restés inséparables, devenant le cœur battant de chaque projet du pianiste, sans jamais perdre le tempo.
Cette histoire humaine se ressent profondément dans Sunny Day, qui s’écoute comme un récit d’amitié, de respect et d’amour entre trois artistes. Wolff a commencé par des esquisses sur boucles, qu’il a ensuite étendues en arrangements complets pour le trio. Allison et Mednard ont enregistré leurs parties au Bunker Studio de Brooklyn les 18 et 19 mai 2024, sans aucune consigne stricte, transformant les boucles sources en versions audacieuses et libres. Par la suite, Wolff et l’ingénieur David tenBroek ont retravaillé les enregistrements, superposant, extrayant, amplifiant, jusqu’à faire émerger un univers sonore à la fois organique et électrifié : un hybride où se mêlent l’immédiateté de l’acoustique et l’impulsion du numérique.
Parmi les moments forts, on retrouve The News, une pièce que Wolff avait autrefois enregistrée avec Christian McBride et le regretté Tony Williams. Son nom évoque Washington Mews, anciennes écuries transformées en appartements dans Greenwich Village, mais son esprit s’ancre dans une lignée plus vaste, portant une touche classique qui rappelle le Nefertiti de Miles Davis.
Voilà typiquement le genre d’album destiné à prendre place dans l’histoire du jazz. Une rencontre de cultures et d’idées, intelligente mais joyeuse, nourrissante à la fois subtilement et intensément. Irrésistible, lumineux, et à coup sûr inoubliable sur scène, Sunny Day n’est pas seulement un disque, mais une expérience: un moment de grâce partagé par trois musiciens au sommet de leur art collectif.
Thierry De Clemensat
Member at Jazz Journalists Association
USA correspondent for Paris-Move and ABS magazine
Editor in chief – Bayou Blue Radio, Bayou Blue News
PARIS-MOVE, August 25th 2025
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Musicians :
Michael Wolff, Piano
Ben Allison, Bass
Allan Mednard, Drums
Track Listing:
1) Sunny Day 5:03
2) Quarantine Blues 6:13
3) Movie Night 6:29
4) Swamp 5:24
5) Streetcar 5:00
6) Flutter 6:18
7) The Mews 5:57
8) In My Life 4:10