MICHAEL FRANTI & SPEARHEAD

Work Hard & Be Nice (Boo Boo Wax / Thirty Tigers)
Reggae, Soul
MICHAEL FRANTI & SPEARHEAD

Lassé de longue date des faux-procès que lui intente depuis des lustres la pseudo-communauté hip-hop en raison de ses origines métisses, Michael Franti a depuis longtemps dépassé ces vaines polémiques, pour se consacrer plutôt à ses réelles préoccupations. Après tout, Bob Marley lui-même n’assumait il pas aussi son propre sang mêlé? Réponse à un demi-siècle près au “I Got You, Babe” de Sonny & Cher, le titre d’ouverture arbore d’emblée les couleurs dancehall, tandis que “Sun And Moon” et l’irrésistible “Good Shit Happens” professent le message positif de son quinzième album en trois décennies : let the good times roll ! Entre R&B et biguine, “I Can Still Feel You” diffuse avec ses steel-drums synthétiques cet uplifting feeling inhérent au sentiment amoureux, avant que les thêmes socio-politiques ne reprennent leurs droits avec les emblématiques “Start Small, Think Big” et “How We Living”, manifestes activistes dans la ligne à laquelle Franti nous a habitués depuis un quart de siècle. Désormais heureux père de famille, Michael dédie “Breaking Down The Door” à sa tendre et chère Sara et leur fils Taj, et exalte l’amitié sur “The Friends Song” et le rock-steady “All My Friends”. De retour d’un confinement à Bali, le traumatisme mondial provoqué par la pandémie actuelle lui inspire un appel d’urgence à la fraternité: “nous sommes tous embarqués ensemble dans cette effroyable épreuve. Je voudrais que nous prenions le temps de démontrer notre gratitude à ceux qui l’affrontent en première ligne, ainsi qu’à ce que nous lèguent nos disparus”. C’est précisément ce que véhicule la lumineuse et dansante plage titulaire, avec ses cuivres et chœurs gospel. Second titre paraphrasant un fameux précédent, “P.S. I Love You” n’est cependant pas la reprise du titre homonyme des Beatles, mais un touchant soul number dans la veine du grand Smokey Robinson (que vénéraient par ailleurs les Fab Four, la boucle est bouclée). “Is It A Penny To You” poursuit dans cet esprit R&B choral, et “Walking Into The Sun” en appelle à la résilience, comme le poignant “I’m On Your Side” en fait autant pour la solidarité et la compassion. “Daycation” et “Watching The World Go By With You” sont deux odes chill-out au recul et au pas de côté dont chacun d’entre nous a besoin pour faire le point sur son existence. À l’arrivée, voici sans doute l’album de Michael Franti le plus accessible et cohérent à ce jour. Comme le disait Lennon à propos de “Imagine”: “mon message demeure tout aussi radical, mais je l’enrobe d’un bonbon pour l’aider à passer plus facilement”. Mission accomplie.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, July 6th 2020