MAX ROMEO – Words From The Brave

Baco
Reggae

Maintenant que le grand Gregory Isaacs est dans sa tombe (sans doute à réver qu’une “Night Nurse” viendra le réveiller), qui pourrait bien représenter encore l’archétype du cool ruler originel ? Sans nouvelles de Burning Spear ni de Big Youth depuis des lustres, Eek-A-Mouse, Culture et Israel Vibration définitivement remisés au rayon des antiquités, qui reste-t-il donc pour incarner le roots-rock reggae des origines ? Certes pas Lee “Scratch” Perry (trop opportuniste et azimuté pour le rôle), ni Toots Hibbert (trop funky pour les âmes sensibles). Mais alors bon sang, Max ROMEO, bien sûr !.. Vous plaisantez ? Dans ce milieu de piranhas qu’est depuis toujours le reggae business, qui peut s’honorer d’avoir davantage été pillé, grugé et samplé que Maxwell Livingston Smith en personne (c’est son véritable état civil) ? Successivement exploité par les politicards véreux (pléonasme, on est d’accord) et les producteurs douteux (jusqu’aux Rolling Stones eux-mêmes), on le croyait une bonne fois rangé des dreads. Ex-chéri de ces dames (“Wet Dream”) et prophète visionnaire de l’émancipation rasta (“War Inna Babylon” et “Chase The Devil”), on imaginait Max ROMEO désormais reclus, et pansant ses blessures. Quelle charmante surprise de le retrouver en pareille santé pour l’album de ses 71 ans! Si son timbre de ténor se voile quelque peu sous l’effet des ans, son vibrato naturel demeure (“Heaven”, “Say Yes”), et la cohorte des Roots Heritage qui le soutient rend ici toute justice à sa verve naturelle. Du radical “The World Is On Fire” à l’exalté “Thank God”, l’alliance d’une rythmique ondulatoire et de cuivres et flûtiaux propulsifs produit un cocktail aussi enivrant que les meilleurs crus du bonhomme depuis quarante ans. Toujours un brin moraliste (“Too Many”, “The Farmer’s Story”), Max adapte ici le “Eve Of Destruction” de Barry McGuire, tout en livrant sa propre version du “Like A Rolling Stone” du barde nasal (“Have You Ever Hit Rock Bottom ?”). Il est libre, Max, y’en a même qui disent… Skank, y’all !

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, June 14th 2019