Rock |
Et voilà un beau coup de maître. Mary Gauthier n’en est pas à son premier opus, son nouveau concept-album étant en effet le septième qu’elle signe sous son nom. Celui-ci, par contre, prend tout de suite une dimension gigantesque lorsque l’on réalise qu’il s’agit d’un recueil autobiographique, et donc très prenant, touchant à l’émotionnel pur. Abandonnée à la naissance, Mary Gauthier a subi les affres d’une famille adoptive qui n’a pas spécialement été la famille aimante qu’elle pouvait être en droit d’attendre. Son refuge, son seul refuge, même, fut la musique, et notamment certains artistes qu’elle a elle-même surnommé les ‘truth tellers’, les diseurs de vérités. Il y avait Bob Dylan, Neil Young, Leonard Cohen et Patti Smith, avec lesquels elle ressentait de nombreuses affinités. Sans doute parce que ces artistes font partie de ceux qui n’hésitent pas à s’impliquer personnellement et fortement dans leurs textes, à se mettre à nu. Ne soyez donc pas surpris de ressentir les influences de certains d’entre eux dans ce nouvel opus qui est le premier de cette artiste, dont le thème transversal est sa propre histoire. Cette réalisation, que l’on pourrait sans mal dénommer ‘concept album’, vous évoquera immédiatement celui d’un autre grand monsieur de la country, Willie Nelson, qui signa en 1975 le fameux ‘Red Headed Stranger’. Et il va sans dire que la comparaison n’est pas fortuite. Traditionnellement basée à Nashville, Mary Gauthier s’en est allée enregistrer ce disque à Toronto et c’est Michael Timmins, guitariste des Cowboy Junkies, qui l’a produit. Celui-là même qui avait produit le génial ‘A Quiet Evil’ de Tom Wilson sorti sous le pseudo de Lee Harvey Osmond.
Il aura fallu plus de deux ans à Mary Gauthier pour qu’elle écrive toutes les chansons de ce disque, et certains proches l’ont aidée à en finaliser certaines, preuve que traduire ce que vous ressentez au plus profond de vous-même n’est pas la chose la plus aisée. Surtout quand la vie a décidé de mettre de sacrés obstacles sur votre chemin.
Choisir alors des ballades folk ou des musiques country aux tonalités douces et mélancoliques n’est pas non plus anodin dans une œuvre comme celle-ci, car pour un album de cette classe là il faut parler d’œuvre et non d’album tant le tout vous prend à la gorge, aux tripes, et à l’âme.
Choisir des mélodies aux trames paisibles et apaisantes pour aborder le thème le plus terrible qui soit pour un être humain, ne pas connaître ses parents, ne pas savoir d’où l’on vient et être brutalement jetée dans une société par essence violente et brutale, accentue encore la violence de l’acte et vous perfore le cœur. C’est intense et dense à la fois, redoutable et touchant au possible, comme un appel au secours qui semble ne pas trouver de réponse en retour, car rien ni personne ne pourra sans doute en dire plus à Mary Gauthier.
Pour enregistrer cet opus-concept vital et viscéralement essentiel pour elle, la jeune femme s’est entourée de musiciens remarquables qui ont su se fondre dans l’univers de l’album-aveu: Jaro Czerwinec à l’accordéon, Tania Elizabeth au violon, Danny Ellis au trombone, Josh Finlayson au piano, à la guitare acoustique et à la basse, Ray Ferrugia à la batterie et aux percussions, Garth Hudson aux claviers, au piano ou à l’accordéon, Jessie O’Brien au wurlitzer et à l’orgue, Ed Romanoff à la guitare acoustique, Margo Timmins aux chœurs et bien entendu Michael Timmins à la guitare acoustique et à la slide guitare.
Désolé pour ce listing un peu long, mais il était inimaginable der ne pas citer celles et ceux qui ont contribué, à leur manière, à la réussite de cet excellent opus. Un disque dédié à tous ceux qui ont pu subir de tels maux identitaires et auxquels un certain nombre d’adresses utiles sont mêmes indiquées dans le très beau livret qui accompagne la galette. L’iconographie de celui-ci est simple mais fortement évocatrice des thèmes qu’elle accompagne. La couverture de ce livret, superbe, elle aussi, est réalisée par Lilli Carrée, sous la direction artistique de Gail Marowitz.
Un Indispensable, à posséder et à offrir, surtout. Il y a comme cela, des moments où le beau touche au sublime!