MARTHA HIGH & THE ITALIAN ROYAL FAMILY

Nothing's Going Wrong // Blind-Faith / Differ-Ant
Soul
MARTHA HIGH & THE ITALIAN ROYAL FAMILY

Pendant des décennies, les capitales de la soul se répartirent entre Detroit, Chicago, Memphis et Muscle Shoals, Alabama. Puis vinrent Philadelphie et Minneapolis, avant que les regrettés Sharon Jones et Charles Bradley n’inscrivent à leur tour New-York à cette cartographie. N’en déplaise à Federico Fellini, Néron et Jules César, il semble qu’il faudra désormais y ajouter Nashville (si) et Rome, ville éternelle s’il en fut… Trente années et quelque auprès de James Brown, une dizaine d’autres aux côtés de Maceo Parker: peu de chanteuses alignent pareil curriculum. Ayant fait ses classes au sein d’un ensemble vocal, Martha High fut cantonnée au rôle de choriste l’essentiel de sa carrière durant. Elle valait bien mieux que cela, et nos Shaolin Temple Defenders bordelais furent les premiers à lui rendre justice en 2009 (avec l’album live “W.O.M.A.N.” sur Soulbeats). Devenue résidente européenne, c’est depuis l’ombre du Vatican (et cette fois encore sous la houlette du soul master Luca Sapio) que Martha High délivre son septième album à ce jour. Fort d’un savoir-faire et d’une culture soul éprouvés, son mentor aurait pu se contenter de capitaliser sur l’héritage brownien, mais le talent de la Miss outrepasse amplement ces restrictions. La production et les arrangements de Sapio s’inscrivent en effet dans le même substrat patrimonial que celui où puisent depuis vingt ans Gabriel Roth et Bosco Mann (patrons de Daptone). À équidistance de Curtom et Stax, “A Little Spark” et la plage titulaire ne dépareraient ainsi pas le catalogue du label de Brooklyn. “I Sing America” prolonge avec panache la soul à message que professaient en leur temps Curtis Mayfield et les Staples Singers. Les cuivres martiaux s’y accompagnent de percussions chaloupées et de chœurs déterminés, et Miss High nous gratifie par la même occasion d’un hymne inespéré, en ces temps de cynisme formaté. Clin d’œil aux B.Os d’Ennio Morricone, le sifflement qui introduit “Face My New Future” débouche sur un hymne néo-Blaxploitation funky au possible (façon Holland-Dozier), tandis que “Room At The Top”, “Land Of Broken Promises” et “Stop! Get Off My Back” reprennent le flambeau de la regrettée Sharon Jones, et que “Walked Away” et “The End Of The Rainbow” évoquent les faces Atlantic de la grande Aretha. C’est donc un feu d’artifice de soul intemporelle, au point que l’on peine à se convaincre que ces dix plages furent effectivement captées cette année… Le millésime n’a pas même débuté que nous en décelons déjà l’un des joyaux les plus éclatants: à genoux!

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, December 15th 2019